Cet article est la réécriture d’un thread que j’avais posté sur Twitter, à propos d’être auteurice pro ou non. Je l’ai enrichi et rendu plus généraliste.
Nous vivons dans un monde où sont mis en exergue la productivité, la flexibilité, la rapidité, le « paraître », et l’inhumanité. La thématique « être/paraître professionnel » ressort souvent sur les RS. Peut-on dire que l’article Six pratiques que je ne veux plus voir sur les RS en fait partie ? Il est complémentaire sans aborder directement l’aspect « être auteurice pro ». Bref.
Il m’a paru important de revenir sur ladite thématique pour que certaines personnes réfléchissent, peut-être, à leur façon de penser, surtout quand elles sont blessantes.
Depuis l’école primaire, nous baignons dans les conseils, les règles, sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire : tenue et langage corrects, etc. Des règles qui tombent sous le sens. Ce sont des règles qui nous permettent de vivre ensemble.
Les rebelles qui ne suivent aucune loi et qui pensent que c’est hypocrite, je vous renvoie à la définition de « savoir-vivre » et « savoir-être ».
Je ne parlerai pas non plus du sexisme dans les écoles avec, par exemple, l’interdiction aux filles de porter des débardeurs même en alerte canicule parce que cela « pourrait tenter les garçons » (en être là en 2022, une honte). Bref.
Maintenant que les bases sont posées et que nous savons de quoi nous parlons exactement, entrons dans le vif du sujet.
Il y a aussi certaines interdictions qui me laissent encore perplexe et qui véhiculent, selon moi, des idées vraiment arriérées et non fondées : les tatouages/piercings. Je m’oppose aussi aux règles qui cherchent à exclure des catégories de personnes, à favoriser leur discrimination.
Revenons aux comportements dits « pro ». Le sérieux, la politesse, la ponctualité, etc. OK. Je veux dire, cela ne me paraît pas déconnant, cela fait partie du « savoir-vivre » et du « savoir-être » – il y en a qui font déjà un œdème de Quincke face à ces termes, ben désolée, mais être rebelle pour être rebelle, c’est complètement con. Ah, ça fait du bien de le dire.
Parmi ces règles se glissent des injonctions qui, pour le coup, sont pernicieuses.
Aujourd’hui, il est de bon ton de toujours se présenter sous son meilleur profil, d’être positif mais pas trop, parce que sinon c’est mal vu aussi, de renvoyer une image de soi parfaite, mais pas trop non plus, parce que sinon on est superficiel, tout ça, tout ça. Les personnes qui tapent à tout bout de champ sur les autres pour juste l’ouvrir et attirer l’attention, on vous voit. Le jour où votre avis sera considéré comme pertinent, on vous le fera savoir.
Le moindre écart est perçu d’un mauvais œil, que ce soient par plusieurs employeureuses ou collègues, même quand tu fais les choses bien. Vous savez, ces phrases du style : « Quand même, pleurer au travail… » « Téléphoner même en pause, franchement… » « Tu ne devrais pas faire ceci ou cela, tu vas te faire bouffer ».
Lentement, cela nous incite à nous engager dans une spirale infernale, où nous sommes amenæs à nous conduire comme des robots. Des robots qui finissent en burn-out sous la pression. Parce qu’il est mal vu de montrer ses doutes aussi, de se mettre en colère – je ne parle pas de tout casser, même si ça finit par arriver de la part de personnes en burn-out justement, ou qui finissent par craquer purement et simplement.
Il est mal vu de s’exprimer, pour tout bien résumer. Il y a encore des personnes qui sont dans le schéma du « Au travail, tais-toi et endure ». Ce n’est pas sain. Ce n’est pas acceptable dans nos sociétés soi-disant « évoluées ». Eh non : ce n’est pas parce que nos aînés en ont chié que nous devons le subir aussi. En raisonnant ainsi, nous resterions tous à l’âge de pierre, et je ne pense pas que nos aînés valident ça sans rien dire. Soyons sérieux, soyons logiques.
Le discours du « Il y a plus d’assistæs qu’avant, les gens sont devenus faignants, la valeur du travail se perd », c’est contre-productif, c’est cracher sur la volonté de nous battre pour nos droits et nos libertés, c’est cracher sur les personnes handicapées, les malades chroniques, les précaires exerçant un métier hardcore, et tant d’autres personnes invisibles qualifiées de « sangsues de la société, qui vole l’argent des travailleurs » (vous devriez avoir honte). Ce discours, c’est un discours de droite, voire d’extrême-droite, déguisé. Un discours conservateur, en somme. Oui, je choque, mais il faut dire ce qui est. Je parle rarement de politique, là, cela me paraît plutôt pertinent, d’autant avec le débat récurrent sur le temps de travail qui se conjugue avec ce qu’est un « vrai » métier.
Parlons des artistes maintenant, dont les auteurices : déjà qu’écrire, créer, peindre, etc. ne sont pas considérés comme de vrais métiers, là ce qui me tue, c’est que l’on tacle encore plus ces personnes-là, qui doivent être encore plus irréprochables qu’ailleurs ! Être auteurice pro, artiste pro, c’est renvoyer la perfection. Non, en fait. Selon vous, les artistes font ça par passion, donc ce n’est pas un travail, mais en plus, vous avez l’outrecuidance de leur demander des comptes ? N’avez-vous pas honte ?
Il est difficile de ne pas réagir face à cette polémique récurrente (tout comme le « je te paie en visibilité », « c’est si cher pour ce que c’est », et blablabla »), mais là, l’argument du « Faites ceci ou cela, sinon vous n’êtes pas pro », ce n’est pas possible. Vous n’avez pas non plus à vous permettre de lâcher sans même rougir de honte que « plusieurs personnes utilisent leur mal-être/syndrome de l’imposteur en tant qu’astuce marketing ». Pardon ? Ah, vous vouliez une réaction à vos propos immondes ? Eh bien voilà, vous l’avez. J’espère que la joie vous émoustille de passer pour des gens imbuvables, qui ne savent pas ce qu’est le savoir-vivre, le savoir-être, qui brandissent la franchise pour justifier leur méchanceté crasse.
Plus j’avance dans la réécriture de mes propos et plus je m’énerve. Décidément, l’injustice me fera toujours autant bondir. Je ne peux pas rester de marbre. C’est comme dire que certaines femmes mentent sur les violences qu’elles auraient subi. C’est du même acabit.
Revenons à ce leitmotiv « être auteurice pro, artiste pro », quand même, puisque le sujet est sur la table. De toute façon, ça ressortira un jour de la bouche de personnes qui aiment polémiquer et faire chier leur monde. Cela fait partie du processus de partager ses doutes, ses colères, de ne pas toujours renvoyer une image lisse. C’est normal, surtout dans des domaines comme la création. C’est un comportement humain. Nous parlons d’authenticité, et cela n’a rien à voir avec le fait de « laver son linge sale en public ». On ne déverse pas sa négativité. Il faut l’accepter au même titre que le reste.
Donnons l’exemple justement : le monde du travail en règle générale est pénible, ces injonctions à « renvoyer une image pro » sont destructrices et sont vides de sens. Combien de personnes ont fini en burn-out parce que « surtout, surtout, il ne faut pas se plaindre » ? L’efficacité et le fait d’être pro ne riment pas avec « robot parfait », bien plus avec « authenticité ». Je comprends que certaines personnes désirent ne pas trop s’exposer. C’est normal, nous avons notre propre caractère, nos propres limites. Simplement, respectez les personnes qui ne font pas comme vous, c’est juste la base.
Il a été dit aussi de se créer un compte privé dans le pire des cas (sur n’importe quel RS). Ou un blog à l’accès restreint. C’est un bon conseil dans le fond, mais qui peut devenir un piège aussi. On en revient toujours à cette idée de renvoyer une image de soi plus que parfaite, délétère.
Il y avait une telle violence dans ce que j’ai pu lire sur le fait d’être auteurice pro ou artiste pro… Je n’ai pas été la seule à le percevoir. Je ne dis pas que c’était l’intention de départ. Cependant, quand la majorité perçoit des propos négativement, la moindre des choses est de se remettre en question. Ensuite, on s’excuse. Beaucoup de personnes ont réagi parce qu’elles ont connu un burn out, ou sont en plein dedans, sous pression… Entretenir ces idées comme quoi il ne faut pas « ouin ouiner » parce que c’est faible, pas pro, c’est d’une violence inouïe surtout pour ces personnes. Je ne parle même pas des personnes hypersensibles/hyperémotives (et non, ce n’est pas un choix de l’être !).
Vous pourriez aussi considérer que Pour être unæ auteurice, il faut être linéaire, surtout si on se revendique auteurice pro. Je vous laisse réfléchir à l’absurdité de cette pensée.
Comment peut-on penser que parce qu’on a pu réaliser notre rêve, ou que l’on a fait quelque chose que d’autres n’ont pas réussi à faire, nous devons nous ériger un « totem de perfection attitude » ? Perso, je n’ai jamais autant douté de moi depuis que j’ai été publiée, par exemple. Oh, je ne dis pas que je n’ai pas été heureuse, tout ça. J’ai partagé autant mes moments d’euphorie que mes moments de doute, et je trouve ça plutôt sain. Partager mes moments de down côté écriture, ça m’a permis de rebondir après ! Sans ça, je n’y serais sans doute pas arrivée !
Soyons nous-mêmes. Je suis heureuse de voir que je ne suis pas la seule à suivre cette voie. Julie, par exemple, a rédigé plusieurs articles sur le storytelling, dont un sur les 3 actions à accomplir pour un storytelling efficient. Cherchez bien : la phrase « soyez vous-même » en est au cœur. Être auteurice pro, pour moi, c’est être soi-même, je le répéterai jusqu’à plus soif.
Je crois que j’ai fait le tour. Juste : ce n’est pas parce qu’on râle, qu’on pleure, qu’on s’énerve que nous ne sommes pas pro. En revanche, la méchanceté et le manque d’empathie ne sont pas du tout professionnels.
J’en viens à me demander si ce ne sont pas les « nouvelles valeurs du travail ». Eh bien oui.
Être pro de manière générale, c’est un peu éculé maintenant.
L’aspect professionnel ressort par les compétences et aussi, le savoir faire, les avoir être.
Si je résume les propos des gens à ce sujet, je serais absolument pas pro.
Je râle souvent, j’ai tendance à envoyer chier les gens qui me demandent quelque chose alors que je suis sous l’eau, etc.
Le côté professionnel doit avant ressortir par les compétences. C’est ce qui définit un professionnel d’un amateur.
Le reste, en termes d’attitude, comportement, etc, relève du bon sens et du simple respect.
Je rejoins ton propos, encore plus pour les métiers créatifs. C’est d’autant plus complexe que nous un peu livrés à nous même face à des gens qui ne comprennent pas les tenants et aboutissants d’un tel métier.
Il y a des cadres, des patrons, ou autres pros qui sont infects, qui n’ont aucune éducation. Pour moi, ces gens ne sont pas pro. Pourtant, ils sont qualifiés comme tels.
Merci de ton commentaire, et c’est vrai que pour tout ce qui est créatif, c’est encore plus complexe !
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