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La notation en littérature : une hérésie ?

J’avais déjà écrit un article sur le fait que noter mes lectures m’avait conduite à une panne de lecture. Même plusieurs.

La dernière en date, même si elle n’est pas due qu’à cette histoire de notation, m’a confortée sur un point : plus ça va, et plus je déteste donner une note. Mon côté radical me pousserait à vraiment bannir cette pratique et à démocratiser les commentaires.

Vous allez me dire : mais tu ne peux pas imposer ça, en plus, les simples lecteurices n’ont pas forcément le temps et l’envie de laisser un commentaire sur leur lecture du moment. Laisser une note, c’est plus rapide, cela ne demande pas d’effort…

Je peux comprendre l’argument. Il y a quelques années en arrière, je me serais sans doute montrée validiste en disant que, quand même, surtout pour des auteurices n’ayant pas une grande renommée, les lecteurices pourraient faire un effort. Je me suis déconstruite là-dessus.

En revanche, cela me pose un gros problème dans plusieurs cas particuliers :

1/ Lorsque c’est unæ chroniqueurice. Si le commentaire est court ou inexistant, ce n’est pas une chronique pour moi, désolée. Et si chaque chroniqueurice a sa propre notation, il y en a certaines que je trouve encore plus éclatées au sol que celle d’Amazon.

2/ Lorsqu’unæ lecteurice met une sale note parce que son livre est arrivé abîmé. C’est surtout sur Amazon que l’on croise ce souci, mais du coup, en fait, abstenez-vous. Vous déclassez un livre alors que cela n’a rien à voir avec la qualité de son histoire…

3/ Lorsqu’unæ lecteurice met une sale note à un livre parce que qu’iel n’est pas le public cible. Alors d’accord, on peut être déçu·e, le livre peut être mal classé ou la communication autour a été mauvaise, mais du coup… Vous mettez dans la panade unæ auteurice qui n’y est pour rien. Ou alors, si c’est unæ auteurice autoéditæ, OK, là, iel n’a pas fait son travail correctement pour communiquer autour de son ouvrage, mais il n’en reste pas moins que si son roman a été écrit, BL, corrigé etc. sérieusement, alors la sale note n’est pas méritée.

4/ Lorsqu’unæ lecteurice met un cinq étoiles ou la note maximum pour un ouvrage qui est perfectible. Je comprends l’intention, mais du coup, vous ne rendez pas service à l’auteurice, qui peut se prendre des commentaires négatifs pas très gentil derrière, parce qu’il y aura eu « tromperie sur la marchandise ».

5/ Lorsqu’unæ lecteurice/unæ chroniqueurice met une sale note à un ouvrage parce qu’iel a mal compris le roman.

6/ Lorsque l’auteurice s’autocontragule, s’autonote positivement (sisi, ça existe encore en 2024). Vous allez me dire : ben s’il s’autocommente aussi, là, y a pas que la note qui pose problème. Oui, sauf que dans les autres arguments ci-dessus, la note pose problème, là où un commentaire/une chronique écrite développent normalement des arguments sur le pourquoi le livre a été apprécié/pas apprécié.

Je crois avoir fait le tour. Au pire, je mettrai à jour mon article. En attendant, et j’en parlais déjà dans cet article, pour moi, la notation en littérature est pire que de faire la course aux commentaires. J’ai l’impression, sans vouloir faire preuve de validisme, que les lecteurices ne prennent plus le temps de savourer leurs lectures, surtout les personnes sur le bookstagram, booktok, etc. Attention : je ne parle pas de vitesse de lecture. Dans mes phases de lecturemania, je suis capable de lire un pavé de six cent pages en une après-midi (d’ailleurs, ma sœur de cœur Rose P. Katell peut en témoigner, je l’ai fait devant elle).

Chacun·e a sa vitesse de lecture, et c’est OK. Je parle vraiment du fait de surconsommer ses lectures, et cela se traduit par le fait de… lire en diagonale. Pour des chroniqueurices, c’est d’autant plus problématique. Ne me dites pas que cela n’existe pas : une autrice en a fait les frais, Maritza Jaillet. Elle a posté une vidéo justement, où elle expliquait ce qu’il s’était passé, mais en gros, pour son livre Rien Ne Sert De Courir, eh bien, on lui a reproché de faire l’apologie du patriarcat. Alors que, euh… C’est l’inverse ? J’ai lu la première version de ce roman, et il n’en est rien. Je doute qu’entre la version que j’ai lue et celle actuelle, dont j’attaquerai bientôt la lecture, cela ait brutalement changé, surtout connaissant l’autrice…

Là, vous allez me dire : et en quoi la note pose problème, vu que tu abordes seulement l’avis reçu ? Eh bien, le roman a été mal noté pour de mauvaises raisons, voilà. Cela rejoint mon point 5.

Ce qui pose aussi problème, c’est que les plateformes classent les livres en fonction de leur note. Vous me direz : logique. Sauf que ça a ses limites, comme vous le voyez… Alors quoi ? Comment classe-t-on ?

Déjà, pour Amazon, séparer les notes portant sur la livraison et les notes sur l’ouvrage. Ce ne serait pas si compliqué à faire. Sinon, sur les plateformes purement littéraires, eh bien… Si l’on veut vraiment rester sur un système de notation, alors le faire selon un barème, comme ce que font certain·e·e chroniqueurices ? Pas forcément quelque chose de très pointu, mais du coup, cela pousserait læ lecteurice à réfléchir un peu plus ?

Je ne dis pas que je suis pour ce système, personnellement, car je suis fâchée avec les notes pour tout ce qui est création.

C’est pour cela que je pose une question toute bête : peut-on noter la littérature ? Ou même : peut-on noter l’art ?

OK, vous allez me dire : on tourne en rond, là. Il faut bien trouver comment classer des livres, les mettre en avant. Oui, mais ne pourrait-on pas le faire sans comparer une œuvre X à une œuvre Y ?

Je vous laisse méditer à ce sujet.

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