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Pour être unæ auteurice, il faut être linéaire

Ouh, le vilain titre. Faut-il être vraiment être linéaire pour être unæ auteurice valable ? Ouh, la provocation… surtout avec de l’écriture inclusive ! Avant de me faire allumer par certaines personnes, sachez que je tiens vraiment à ce que toute personne puisse peut-être se reconnaître dans mes mots, sur tel aspect ou sur tel autre aspect. Parmi vous, il y en a qui ne comprendront pas pourquoi ça me tient tant à cœur d’interroger la langue française, au point d’essayer de le retranscrire dans mes propres écrits en privilégiant le neutre, par exemple. Je suis sensible à la question et à tant d’autres, voilà tout.

Vous venez d’avoir un exemple criant de la manière dont mon cerveau réagit. Je commence par quelque chose qui n’a rien à voir de prime abord avec ce dont je voudrais vous parler aujourd’hui.  Ensuite, je ne vais pas du point A au point B, puis au point C. Je vais d’un point A à un point B lambda – parce qu’il y en a plusieurs sinon ce n’est pas drôle –, puis je reviens à un autre point A, à un point Z, puis l’autre point B, puis à un point G – c’est orgasmique, non ? En plus il en existe plusieurs. Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir. Hum. Pardon pour le jeu de mots foireux. Bref. Vous comprenez : c’est du grand n’importe quoi dans ma tête ! Ce n’est absolument PAS linéaire.

Ceci ne se limite pas au domaine de l’écriture, c’est tout le temps comme ça, pour tout. Pourtant, pendant de longues et douloureuses années, je me suis mise la tête dans le sable et j’ai voulu écouter les conseils les plus censés au monde. Dans tous les domaines. Un foirage monumental… Concentrons-nous sur l’écriture pour cet article. Je disais donc : des conseils censés et pertinents pour d’autres personnes.

– Lorsqu’on commence à écrire, il vaut mieux commencer par du court.

– En tant que jeune auteurice, on ne se lance pas dans des sagas !

– Un thème par histoire, maîtrisez déjà ça.

– Le syndrome de l’auteur victime de la malédiction du texte qui se transforme en saga, ça n’existe pas, ça signifie que vous ne maîtrisez pas votre plume.

Comme beaucoup de monde, j’ai eu ce problème dès le début. Pour beaucoup de monde, suivre des conseils pour écrire une bonne nouvelle, un roman court, ne pas aller dans le long, ça a fonctionné. Les méthodes leur ont convenu même si parfois c’était difficile. Alors j’ai fait comme tout le monde. J’ai fait comme unæ auteurice lambda.

Ces conseils m’ont servi, mais pas pour régler mon problème principal. Ils m’ont beaucoup apporté, ils m’ont permis de devenir plus performante, plus cadrée. Malheureusement, d’autres aspects ne me conviennent absolument pas. Le fait de bâtir un plan de mes histoires est impossible, et ce n’est pas parce que je ne le veux pas. J’ai essayé, de toutes mes forces, puis j’ai trouvé la méthode flocon, par exemple. Tout ne me va pas, j’ai dû l’adapter à mes besoins, mais c’est déjà mieux que rien.

Je ne suis pas une autrice dissidente. Bon, si, faut que j’arrête de me voiler la face. J’assume, même si j’ai essayé de ne pas l’être. En revanche, je ne suis pas une rebelle qui refuse les règles. Ce sont elles qui me laissent sur le carreau, parce que leur principal point commun est leur linéarité.

Pour d’autres aspects de ma vie, comme je le disais plus haut, être linéaire ne me va pas non plus. On me l’a souvent reproché. Certains ont essayé de me « remettre dans le droit chemin ». Hélas, ça ne marche pas comme ça. C’est comme si vous forciez un gaucher à écrire de la main droite – je suis gauchère en plus, la poisse. C’est comme si vous forciez un poisson à respirer à l’air libre. La métaphore peut être violente, mais s’il faut en passer par là pour que ce soit compris… Unæ auteurice lambda suit les conseils qu’on lui donne, mais certaines injonctions peuvent læ perdre aussi. J’aborde cette question dans l’article « Pourquoi je n’aime pas donner des conseils », qui sera republié prochainement ici.

Revenons à l’écriture. De la part de personnes différentes, y compris d’un comité de lecture, y compris de lecteurices ayant lu ma nouvelle publiée dans l’anthologie « Sortilèges et maléfices » aux Éditions Lune Écarlate en 2019 (qui ont fermé en janvier 2020), j’ai eu une remarque récurrente, qui a défoncé mes barrières, qui a fait voler en éclats mes certitudes sur le fait que j’étais parvenue finalement à tordre ma plume pour la calmer, la canaliser – oui, les mots sont forts.

Cette remarque, la voilà : Les idées que j’expose dans mes histoires sont amenées à être plus développées et ne peuvent se cantonner au format court. Non seulement je ne suis pas linéaire, mais en plus je ne sais pas écrire des nouvelles. Oh, il y a au moins unæ auteurice qui s’est retrouvæ mon cas, je le sais, mais j’étais dans le déni me concernant. J’écoutais les conseils en mode « Tu dois faire comme ça, parce qu’on sait mieux que toi ce qui est bon pour toi. »

Alors j’ai regardé mes dossiers d’histoires : les nouvelles d’un côté, les romans de l’autre. J’ai aussi pu constater qu’un des seuls one-shots que je pensais clos et abouti, eh bien il ne l’est pas. Il doit se diviser en trilogie. Je n’ai pas tout abordé, j’ai terminé trop vite. Oui, je parle de La Mouverêve.

En parlant de one-shots, j’en ai deux, quand même. Un pétale par sourire, et Le Joueur de cristal. Ces deux-là, étaient à la base des novellas…

On ne rit pas, s’il vous plaît.

Tous mes autres projets sont en plusieurs volumes. Parmi eux, Evana. Même s’il sera édité en un seul volume chez LdT Éditions, au niveau de sa structure, il est découpé en trois parties. A.V.I.A est une trilogie dont le 1er jet est terminé et sur laquelle je dois faire un énorme travail de réécriture, mais je considère que les bases sont là. Pour La Mouverêve, je suis en pleine écriture du tome 2, et si je peine autant à le faire, ce n’est pas à cause du manque d’idées, mais de mon travail en tant qu’aide-à-domicile et de l’énorme fatigue qui en découle. Quant à Spiritès, je reprends tout de zéro… mais je sais que je peux le faire.

Puis il y a ce recueil de nouvelles, là, à côté, que j’avais baptisé Temps Station. Pas le même que « Tempstation », qui est un recueil de poèmes et textes… Bref. Revenons à Temps Station. Les 3/4 des nouvelles qui sont dedans ont toutes reçu le même jugement concernant le fait qu’il faut développer.

De là est né mon projet nommé « Les Artemps ». Je ne le commencerai pas maintenant, j’en ai d’autres à boucler, comme je le dis plus haut.

J’ai connu au minimum unæ auteurice qui se retrouve submergæ par les projets de sagas à n’en plus finir. De mon côté, il semblerait que je sois capable de boucler les miens et de les délimiter, même si quand même, ce sont des sagas ! Tous sont des nouvelles « ratées ». Oups.

En 2019, la première fois que j’ai été confrontée à cette réalité, j’ai posé mon poing sur la table. Je n’étais pas loin des larmes, très sincèrement. Je suis quelqu’un d’hyperémotif, alors bon… J’ai posé mon poing sur la table, et là il m’a fallu accepter plusieurs vérités très, très dures à encaisser :

– Je ne sais pas écrire des nouvelles.

– J’ai le cerveau monté à l’envers/je n’ai pas un fonctionnement linéaire, mais bordél… OK, OK, arborescent. Ça va, vous êtes contents ?

– Je suis infoutue de travailler comme les autres.

– En revanche, je ne suis plus une autrice débutante. J’ai du bagage, j’ai eu entre temps un roman publié par Livresque Éditions, Un pétale par sourire, dont j’ai récupéré les droits à la fermeture de la ME, et je vais bientôt commencer les corrections éditoriales pour Evana, chez LdT Éditions. J’ai acquis pas mal de savoir-faire au niveau de la bêta-lecture, de la correction, pour les autres et pour moi. Donc je ne suis pas débutante. J’ai encore beaucoup à apprendre, et ce sera le cas toute ma vie (et celle de tout auteurice lambda), mais je ne suis pas novice.

– Je suis capable d’écrire des sagas.

– Il faut que j’assume de supporter cette idée. Crétin de cerveau.

– Je suis largement capable de boucler mes projets, car je termine toujours ce que j’ai commencé.

– Je suis une jardinière adepte du puzzleage et je fais de la randonnée. Pour être plus précise, je suis randopuzzlelière (Je vous renvoie à l’article « Je suis une artiste randopuzzlelière »). Des méthodes comme la méthode flocon me permettent d’avoir un petit côté architecte qui m’aide bien, mais que je suis obligée d’adapter à mon mode de fonctionnement.

– J’ai les épaules pour travailler sur au minimum deux projets en parallèle et faire du bon boulot. Des personnes me l’ont dit, alors c’est que c’est vrai.

J’ai posé mon poing et ma plume sur la table, en cognant. Ça fait mal, mais c’était nécessaire. D’ailleurs, je l’ai de nouveau refait pendant les corrections éditoriales de Un pétale par sourire, ma directrice éditoriale et ma correctrice m’ont dit de cesser de me brider et de me censurer. Oups.

Maintenant, il faut que j’arrête d’avoir peur d’échouer. J’avais déjà écrit ça en 2019, mais en 2022, beeeeeen… Hahahahaha. Je vais me faire taper, je sais. Il faut que j’arrête de penser que de toute façon je me ramasserai et que j’abandonnerai tout. En seize ans d’écriture de romans, ce n’est jamais arrivé. C’est que quelque part, je ne suis pas si incapable que ça. Ou je suis trop têtue, c’est vrai aussi… Unæ auteurice peut vite se trouver découragæ devant l’ampleur du travail à faire, et je suis passée par là tout simplement parce que je ne me suis pas écoutée et parce que ma confiance en moi est au ras des racines des pâquerettes ^^. Oui, oui.

Je ne vous dis pas de suivre ma façon de faire. Je ne vous dis pas que les méthodes d’écriture, les conseils sont tous nuls. Loin de là. D’ailleurs, Être unæ auteurice linéaire, ce n’est pas un mal, hein, c’est un fonctionnement légitime ! Simplement, le mien aussi. D’ailleurs, ces conseils et méthodes d’écriture m’ont quand même servi, hein, même si c’est pas pour leurs raisons premières ! Simplement, je ne peux pas les utiliser tels quels, et ce n’est pas parce que je suis une autrice incomprise et maudite qui rejette toutes les règles. Je ne suis juste pas linéaire, c’est tout, alors je dois tricher/faire autrement pour parvenir à mes fins.

Bref, je me sens vidée. J’ai du pain sur la planche concernant mes projets, j’y retourne de ce pas.

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