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Le livre : une histoire ou un objet ?

Je suis en droit de me poser la question à l’heure actuelle.

Si vous n’êtes pas trop sur les RS, notamment sur ce que l’on appelle le Bookstagram ou le Booktok, vous ne verrez pas forcément de quoi je parle. En fait, je fais référence au fait que le livre, aujourd’hui, a pris une dimension esthétique assez importante. Je parle des couvertures toujours plus « luxueuses » (les versions collector, les versions avec une couverture rigide, etc.), les ornements tel le jaspage…

En tant qu’amoureuse du livre, je trouve que c’est joli, cela donne envie, c’est indéniable. Si j’avais les moyens, je pourrais me permettre de craquer quelquefois.

En revanche, il y a un phénomène qui m’inquiète un peu dans cette évolution du livre-objet : le fait que « l’objet » prenne le pas sur l’histoire. Un livre suscite la hype non plus par le résumé, le style de l’auteurice, son histoire… Il suscite la hype parce qu’il est beau, parce qu’il devient un objet de collection.

Ce n’est pas quelque chose que j’apprécie, hélas.

Autre constat : cette mode du beau livre est surtout visible pour la SFFF et la littérature Jeunesse. Et en ce qui concerne cette dernière, eh bien… Les ados, les jeunes n’ont pas forcément les moyens de s’acheter ces beaux livres. Ce ne serait pas si grave si les brochés et/ou livres au format poche étaient aussi présents, mais pour certains romans… ce n’est pas le cas. Sisi. Plusieurs personnes l’ont constaté. Il n’y a que le format relié qui existe pour certains titres, par exemple.

Ensuite, je remarque qu’il y a des chroniqueurices qui pourraient ajuster leur notation d’un livre en fonction de s’il est assez collector, s’il y a du jaspage ou non… Ne me dites pas que ce n’est pas vrai. J’ai pu voir certaines publications de mes propres yeux. Qu’on soit clair : pour moi, si vous êtes chroniqueurice et que vous faites cela, alors ce n’est pas professionnel. Votre chronique n’en est pas une, par manque d’objectivité.

Un livre ne devrait pas être jugé par sa couverture. Quand même, la base en fait ?

Bon. Je veux bien que, d’une certaine manière, la couverture puisse influencer la lecture, car elle fait partie d’un tout. Un livre raconte une histoire, l’illustration en suggère une certaine vision : celle de l’artiste qui l’a réalisée. En revanche, qu’un roman soit bien ou mal noté parce que la couverture est rigide, parce qu’il y a des dorures, que c’est joli, que le jaspage est au top… Là, non.

J’ai dit plus haut qu’en tant que lectrice, je trouve ces ornements jolis, que j’aime bien. Cependant, si je décide de lire un livre, c’est avant tout pour son histoire. Et le Bookstagram, le Booktok me donnent l’impression parfois que l’on perd complètement cet aspect de vue…

J’aimerais aussi aborder la qualité de certains ouvrages collector, avec des dorures, jaspage et compagnie. Sans citer son nom, il y a une ME qui se spécialise un peu dans cette culture du livre-objet. Le problème, c’est que la qualité est mauvaise : les brochés ne tiennent pas la route, des défauts apparaissent assez vite. Cela fait un peu mal au cul quand le livre coûte au minimum vingt-cinq euros, quand même… quand ce n’est pas plus. Genre, quarante euros.

J’en viens donc à me poser la question suivante : désormais, un livre n’est-il devenu qu’un simple objet de collection, à exposer dans une bibliothèque remplie de livres juste instagrammables ? Un livre seulement accessible aux personnes qui peuvent se le permettre ?

Cela rejoint un autre point que j’ai traité dans un autre article : le fait que la lecture ne soit pas un outil utilisé comme il faut. Là pour le coup, l’aspect lecture est occulté tout court. Ce qui compte, c’est la beauté de l’ouvrage. Pour moi, l’un ne devrait pas chasser l’autre, même si je suis d’avis qu’un livre n’a pas à être nécessairement beau pour être intéressant.

Après, hélas, même si j’aime ce qui est beau, je n’ai pas la même façon de voir le monde et de voir la beauté. Sans offense.

La beauté d’un livre est d’abord induite par l’histoire qu’il va me livrer – oh, le jeu de mots, excusez-moi, il est bientôt minuit à l’heure où je rédige cet article. Ensuite vient le reste. La couverture, je la considère comme une annexe au même titre qu’une carte du monde ou un glossaire. Avant que vous m’envoyiez au bûcher, j’explique ma position sur les annexes dans cet article. Donc, pour résumer : je classe tout ce qui est édition collector, dorures, jaspage, comme des à-côtés, des annexes. Sauf que là, contrairement à l’histoire du glossaire, des notes de bas de page, qui seront décriés au nom d’un certain validisme et élitisme, on applique le procédé inverse. Le beau livre, le livre-objet est bien trop mis en avant par rapport à l’histoire…

On en vient à un autre constat que je peux faire : le livre-objet se mérite, il se collectionne. Et cela rejoint une forme d’élitisme par rapport à la lecture. Et comme je l’ai dit plus haut, le livre-objet n’est pas accessible aux personnes précaires, à beaucoup d’ado également. Pourquoi ? Parce qu’il a un coût, donc la littérature redevient l’apanage des riches, des personnes aisées du moins.

Est-ce que je vais trop loin ? Peut-être pas…

Je n’ai parlé qu’en tant que lecteurice, mais en tant qu’autrice, j’ai aussi mon mot à dire. J’avoue, si un jour, j’ai l’opportunité que mes romans aient l’honneur d’avoir une édition collector, avec un jaspage, une couverture rigide, ou que sais-je – bon, les dorures, un peu moins, car que ce soit en tant que lectrice ou autrice, les dorures, ce n’est pas mon dada –, je ne cracherai pas dans la soupe.

En revanche, je refuse qu’on achète mon livre parce qu’il est beau. Je veux qu’on achète mon livre pour son histoire ; c’est vraiment quelque chose que je refuse de perdre de vue. Et bien sûr, je veux aussi que mon livre soit accessible à toute personne, même s’il n’est pas non plus question de brader mon travail. Je veux que le format broché par défaut existe, et encore mieux : qu’une version poche soit faite. Parce que si une version collector est envisagée, alors une version poche devrait automatiquement être réfléchie. Oui, pour toucher le maximum de lecteurices qui seraient le public cible de mon histoire.

Evana et Un pétale par sourire ont eu droit à de superbes couvertures faites par l’illustratrice Obsydienn (et pour Evana, si vous avez bien suivi les posts de ma ME Le Labyrinthe de Théia, vous savez que le roman a eu droit à une nouvelle couverture qui est aussi canon, faite par l’illustratrice Passye). Toutefois, j’espère bien que l’on se souviendra d’eux pour leur histoire et les messages que je tiens à faire passer.

Un livre-objet ? Pourquoi pas, mais pas à n’importe quel prix. Un livre-objet dont on fait l’impasse sur l’histoire, je passe mon tour. Je préfère que mon roman, quel qu’il soit, ait un emballage qui pourrait paraître terne, mais que l’on se souvienne de ce qu’il raconte.

Cet article a 6 commentaires

  1. Adeline

    Mais c’est tellement ça ! Merci pour ce post !

  2. Ohana

    Merci pour ce post ! Il y a tellement une surenchère de qui va faire le plus beau qu’on en perd effectivement par moment, je trouve, la qualité première d’un livre… L’histoire passe à côté, ou elles se ressemblent toutes, chez certains « phénomènes » booktok/bookstagram !

    1. Justine_CM

      Oui, et j’en suis aussi désolée que toi…
      Merci pour avoir réagi !

  3. Lancelot

    Pour moi il faut qu’il y ait les deux, quoique davantage l’histoire. Un récit qui transporte son lecteur par la beauté de sa prose (j’ai du boulot) est essentiel à mes yeux. Une couverture ça peut être trompeur si on mise plus dessus. Le contenant vs le contenu.

    C’est pour ça que je suis plus résumé que couverture, quand le titre m’attire

    1. Justine_CM

      La couverture a son importance, mais on lui en accorde trop aujourd’hui, au point que certaines ME ne proposent plus qu’un format de livre avec une couverture magnifique, mais hyper cher, sans proposer de version brochée simple. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres…

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