À la base, il s’agissait d’un thread que j’avais posté sur Twitter l’année dernière, pendant le mois de la Pride, puisque je suis ace, donc queer. J’ai décidé de tout compiler dans cet article, pour le republier pendant le mois de la Pride de cette année.
[TW sexualité, sexe, violences sexuelles, etc.]
Avant toute chose, c’est quoi, être ace ? Il s’agit du diminutif de « asexuel », qui signifie ne pas avoir ou avoir peu d’attirance sexuel pour autrui. Je vous renvoie à l’excellent article d’Arocake pour en savoir davantage sur le spectre de l’asexualité.
Donc oui, je suis une personne ace, potentiellement demi-sexuelle. J’ai mis longtemps avant de le comprendre. Heureusement, certaines personnes de mon entourage l’ont très bien compris, accepté et cessent de me mettre la pression. En revanche, de la part d’autres proches ou même de personnes moins ou pas du tout proches, je me suis pris des remarques non sollicitées, désagréables. Voici un petit panel ici :
1. Tu n’es pas tombée sur la bonne personne : Et ? Bon, celle-là est classique. Dans mon cas, pour éprouver de l’attirance sexuelle envers quelqu’un, il faudrait que je suis vraiment amoureuse, et encore. Je pense que je ne serai pas du tout celle qui adorerait le sexe au point de le faire tous les jours et assez régulièrement selon les critères de la société, hein.
2. Mais le sexe, c’est une des bases d’un couple ! : Cette phrase est une des raisons pour lesquelles je me suis longtemps dit que je n’étais pas faite pour être en couple. Bon, je suis une célibataire endurcie et plutôt heureuse, mais ce n’est pas le sujet 😊. Beaucoup de personnes aces sont en couple et heureuses.
3. Quand même, à ton âge, c’est un peu inquiétant que ça ne te cherche pas un peu (aka le sexe) : Je l’ai entendu de mes 16 jusqu’à… mon âge actuel. En quoi est-ce inquiétant ? Tant que je ne mets en danger personne ou moi-même, il n’y a rien d’inquiétant. Ce n’est pas une maladie.
4. Quand tu y auras goûté, tu verras, tu aimeras beaucoup : Je peux apprécier les préliminaires, sans plus. Quant à l’acte, je n’ai pas aimé du tout la seule fois que je l’ai fait. Sans m’étaler, je vais juste dire que j’ai voulu me débarrasser de ma « virginité » à mes vingt-deux ans et voir ce que ça faisait. Je n’étais pas prête mentalement, après voilà, c’est fait.
Je n’ai pas de regrets. La seule chose que je peux dire, c’est que si c’était à refaire, je ne me mettrais pas autant de pression là-dessus (la personne avec qui je l’ai fait ne m’a en aucun cas forcée, c’est même plutôt moi qui ai été insistante x)). Conclusion : Non, je n’aime pas au point d’en redemander. Et la pression sur les gens à propos de la virginité – car pour le coup, là, tout le monde est visé –, va falloir en parler un jour.
5. Tu sais, le jour où tu auras couché, là seulement, tu seras une femme : Bon, celle-là peut être applicable à toutes les personnes perçues comme femmes, peu importe leur orientation sexuelle. Mais voilà.
6. Tu dois avoir un problème, consulte un médecin/un sexologue/ etc. : non, je ne suis pas malade, merci.
7. Il faut te décoincer un peu : ai-je vraiment besoin de faire un commentaire ?
8. Pour quelqu’un qui n’aime pas le sexe, tu ris aux blagues de cul et tu en fais : Y a rien qui va dans cette phrase. Vous mélangez tout.
9. Ton compagnon risque d’être malheureux, il faut faire des concessions dans un couple : c’est ce genre de phrases qui m’ont longtemps fait croire que je ne trouverai jamais personne. De plus, avec ce genre de phrases, vous entretenez la culture du viol. Parce que se forcer à avoir des rapports sexuels, juste pour « faire plaisir » à l’autre, bon…
10. Tu regretteras toute ta vie de ne pas avoir essayé diverses expériences sexuelles : je ne regrette pas du tout de ne jamais avoir essayé de sauter du 10ème étage pour le fun, alors je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas la même chose en matière de sexe.
11. Tu n’es pas amoureuse si tu n’as pas envie de coucher : ALORS. Ça n’a rien, mais strictement rien à voir. Bon, dans mon cas, comme je l’ai dit, il faut que je sois amoureuse pour peut-être avoir du désir sexuel… En tout cas, ce ne sera pas au point de vouloir ken.
12. Tu as peur des hommes, voilà pourquoi : alors, euh… Oui, mais non.
13. Moi, je vais te faire aimer ça : la prétention à son paroxysme…
14. [TW : agression sexuelle]
Tu dis ne pas avoir envie, mais ton corps dit l’inverse : oui, cette phrase-là peut être entendue aussi dans ce contexte.
15. C’est une question de maturité, tu peux changer d’avis : phrase entendue depuis mes 16 ans. J’en conclus que je resterai immature toute ma vie. Je suis d’accord avec le fait qu’on peut évoluer sur la question comme sur d’autres sujets au cours de notre vie. Cependant, merci de ne pas lier cela au fait d’être mature ou non.
16. Tu resteras seule toute ta vie alors : merci pour le côté culpabilisant. En plus, qui vous dit que j’ai envie d’être en couple ? Qui vous dit que je ne suis pas comblée par d’autres types de relations (amicales, fraternelles, etc.) ?
17. Faut arrêter par contre, vous ne vivez ni de discriminations ni d’oppressions contrairement aux autres personnes LGBT : Ah ouiiii, c’est vrai qu’on ne subit aucune pression pour coucher avec notre partenaire. C’est vrai que nous ne sommes pas menacæs d’être envoyæs dans des thérapies de conversion parce qu’on « ce n’est pas normal de ne pas vouloir ken ». Entre autres… Les personnes aromantiques s’en prennent plein la gueule aussi de ce côté-là.
18. Vous ne faites pas partie des LGBT/ vous n’êtes pas Queer ? : je vous emmerde. Je suis légitime, la lettre A dans LGBTQIA+ n’existe pas pour rien. Et je me revendique Queer si je veux, parce que, selon la définition, être queer veut dire que notre orientation ou l’identité sexuelle ne correspond pas aux modèles dominants. Être ace, ce n’est pas un modèle dominant, à ce que je sache. Vous faites preuve d’acephobie (discrimination envers les personnes aces).
19. Je m’en fiche si tu es ace, ne te mets pas une étiquette : tu m’invisibilises et invisibilises les personnes aces avec ton discours. Si seulement nous vivions dans un monde où chaque personne se mêlerait de son fondement, mais ce n’est pas le cas, hélas, puisque ce même monde est toujours gangréné par divers types de discriminations et d’oppressions. Je suis ace et j’existe, et j’exige même qu’on me laisse en parler librement. Nous aimerions être représentæs correctement dans les histoires, l’art en règle générale, etc. D’ailleurs, vous pouvez faire appel à des Sensitivity Readers pour créer des personnages aces, que vous soyez concernæs ou pas.
20. Arrête d’en parler alors, c’est ta vie privée : même réponse que pour la phrase 19. Le jour où l’humanité aura évolué au max sur la question, nous en reparlerons. Vous êtes les mêmes personnes qui me disent la bouche en cœur que je n’ai pas rencontré le bon mec, que vous allez m’apprendre à « aimer ça ». Stop, à un moment donné, fermez-la en fait.
Il est possible que je complète cet article au fur et à mesure du temps, en fonction des flingueries que je pourrais encore me prendre en pleine poire.
À un moment donné, lâchez-nous la grappe, en fait. Merci.
Sur une note plus positive : si vous êtes une personne ace, j’espère que cet article vous aura fait du bien. C’est aussi pour cette raison que je le publie 😊.