J’ai parlé de la dénonciation et de la banalisation assez brièvement dans mon article sur la dark romance, de même que dans celui sur le fait que certains genres et TW ne peuvent pas tout permettre.
Certain·e·s créateurices ont pour désir d’explorer plus loin, de repousser les limites, d’être subversif. Et malheureusement, le problème est que la subversion est confondue avec d’autres actes : la banalisation, la glorification, la romantisation…
Bon, et si nous définissions ces termes ?
La subversion
Comme je l’ai dit dans mon article sur la dark romance, d’après le Larousse, cela signifie : « qui est de nature à troubler ou renverser l’ordre social ou politique », « qui soutient des idées menaçant l’ordre social ».
Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai déjà répété dans ledit article, je vous y renvoie.
La banalisation
Toujours selon Le Larousse, c’est l’action de rendre banal, commun, courant quelque chose, de lui ôter son caractère rare ou original ; fait de devenir banal. Je n’ai pris ici que le premier sens, puisque c’est le seul qui corresponde.
Dans beaucoup de dark romances, des thèmes et actes ont été banalisés.
Cependant, je tiens à souligner que de manière générale, dans n’importe quel genre de littérature, il y a des choses qui ont été banalisées : la culture du viol, le patriarcat, les relations toxiques… eh non, ce n’est pas propre à la dark romance !
Mais Justine, alors pourquoi tu as écrit un article sur la dark romance spécifiquement, alors que la banalisation touche tout domaine ? Parce que, tout simplement, dans la dark romance, la banalisation n’est pas aussi insidieuse comme elle l’est pour d’autres genres. Et, il faut le dire, la banalisation touche à des thèmes hardcores – reproche que je peux adresser au genre de l’horreur, bien sûr.
Oui, mais si l’on lit de l’horreur, on doit s’attendre au pire, non ? Et la dark romance, ben c’est pareil, non ?
Il y a une différence entre exposer, montrer et rendre la chose banale…
Enfin. Passons maintenant aux autres définitions.
La glorification (synonyme : apologie)
Selon le CNRTL, c’est l’action de glorifier quelqu’un ou quelque chose. Il a pour synonyme l’apologie, la célébration… Voilà, je n’invente rien. Alors certes, peut-être que c’est exagéré de dire que certaines œuvres vont dans la glorification. Surtout quand on parle de banalisation, qui semble être le contraire de la glorification… Et si ces mots n’étaient pas antonymes ? Et si, justement, le fait de banaliser des choses comme le viol, l’inceste, pour ne citer que ces exemples, revenait à les célébrer ? Puisqu’elle est normale et commune, alors on lui donne un certain éclat…
C’est tordu ? C’est pourtant ce que l’Humain sait faire de mieux. Ah, mon côté misanthrope qui ressort, désolée. Eh bien si : nous avons banalisé et glorifié à la fois le patriarcat, la haine envers les femmes… Nous avons été même jusqu’à les romantiser.
La romantisation
Encore une fois, d’après le Larousse, c’est donner un caractère romantique, idéalisé à quelque chose.
Non, je vous arrête tout de suite : que ce soit dans les livres ou la série, la relation entre Jaime et Cersei dans GoT n’est pas romantisée, je le répète ! L’inceste n’est absolument pas approuvé. L’emprise de Cersei sur Jaime est mise en scène, montrée…
Je vais vous le dire : c’est vous, lecteurices et spectateurices, qui donnez un caractère romantique, idéalisé, à cette relation. Ouh, je sais, je ne vais pas me faire des amix, mais à un moment donné, il faut dire les termes.
Imaginez maintenant ce que cela donne lorsque des œuvres de fiction ont ce cocktail détonnant : banalisation, glorification, romantisation… Vous pourriez me dire que c’est moi et d’autres personnes qui projetons nos fantasmes sur lesdites œuvres, comme ce qu’il se passe par rapport à la relation entre Jaime et Cersei. Alors non. N’inversons pas les rôles, s’il vous plaît. Parce que plusieurs personnes ont assez démontré que, contrairement à GoT, la dénonciation est absente des œuvres incriminées. Et quand certain·e·s créateurices vont jusqu’à dire qu’elles ne banalisent pas, mais ne dénoncent pas non plus…
Eh bien, voyons ce que signifie le verbe dénoncer.
La dénonciation
Toujours d’après le Larousse, dénoncer signifie révéler quelque chose, le faire connaître publiquement comme néfaste. Dooooonc… Le voilà, notre véritable antonyme à la banalisation. Qu’en dites-vous ?
Vous ne pouvez donc pas dire que vous ne banalisez pas et ne dénoncez pas dans le même temps. Si vous vouliez signifier que vous teniez juste à montrer, eh bien…
Montrer quelque chose, très bien, c’est neutre à la base, même si, pour moi, si vous le faites de la manière la plus objective possible, c’est déjà une dénonciation. Parce que la vérité transparaît dans le fait que tel acte est condamnable. Vous voyez ?
Selon la manière dont vous souhaitez amener le récit, d’après les définitions précédentes, vous tombez dans la banalisation si vous dépeignez les actes répréhensibles comme normaux ; vous tombez dans la romantisation si vous qualifiez des relations toxiques comme des histoires d’amour, par exemple. Vous tombez dans la glorification lorsque vous additionnez la banalisation et la romantisation.
Je vous laisse méditer sur la question, à présent.