Dernièrement, j’ai lu et entendu des réflexions qui m’ont, pour ne pas changer, fait grincer des dents. Ces réflexions, ce n’est pas la première fois qu’elles sont exprimées, mais autant il y a dix ans, je ne comprenais pas pourquoi je me crispais, autant aujourd’hui, j’ai beaucoup plus de clés.
Je vais en faire une petite liste ici, histoire que l’on se pose bien niveau contexte :
– Au lieu de racheter un nouvel ordinateur/une nouvelle console/autre parce que l’autre est en panne, ou au lieu de te faire arnaquer par unæ réparateuxe, fais-le toi-même en regardant des tutos sur Youtube.
– Au lieu de commander des plats, fais-les toi-même, et si tu ne sais pas cuisiner, regarde sur Internet : ça t’évitera de grossir, ça fera des économies.
– Tu ne sais pas t’occuper d’une plante avec tous les tutos qui existent sur Internet ou ailleurs ? Ce n’est pas sorcier pourtant.
– Pourquoi tu vas à la salle alors que tu peux faire du sport chez toi, toujours grâce à des vidéos sur Internet ?
– Pourquoi tu paies une blinde unæ artiste pour s’occuper de l’illustration de la couverture de ton roman ? Tu peux la faire toi-même, et si tu ne sais pas dessiner, il y a plein d’images gratuites libres de droits (version legit), plein d’images piochées sur Internet (non, c’est pas legit du tout…), tu peux en générer une avec une IA comme Midjourney (aaaaaaaarg, là vous méritez d’aller vous faire cuire le c… Pardon, je me reprends).
Quel est le point commun entre toutes ces remarques ? Je vous laisse quelques petites secondes… Allez, un petit indice : on vous indique de « faire vous-mêmes ». Comment le plus souvent ? Grâce à Internet.
Pourquoi ? Pour votre bien, parce qu’en plus, si vous êtes précaires, cela vaudrait mieux pour vous. Ou encore, vous n’êtes pas des « bourgeois qui pouvez jeter votre argent par les fenêtres », alors soyez raisonnables et faites gaffe à votre argent. Ne vous comportez pas comme des cassos, voyons. Ouais, des cassos.
Je ne dis pas que les intentions des personnes derrière ces remarques sont mauvaises. Seulement, ces remarques sont la parfaite illustration de deux choses, et vous allez soupirer lorsque je les aurai évoquées :
– Du classisme (oooooh, noooon, t’abuuuuses…)
– Du validisme (mais raaaaah, Justiiiiine, tu nous les brises avec ça, tu le rabâches tout le temps. Bah, t’es une woke, en même temps…)
Il n’empêche, si on devait appliquer votre logique dans d’autres situations, voilà ce que ça donnerait :
– Vous êtes malades, soignez-vous vous-mêmes plutôt que de faire moult examens/ consulter des spécialistes qui vous coûteraient un rein !
– Vous n’avez pas de logement ? Construisez le vôtre, on trouve tout ce qu’il faut dans la nature !
Ah, AH. C’est pas pareil, c’est ça que vous allez me dire ? Parce que là, on touche à des besoins essentiels ? Se soigner, se loger… Sauf que l’histoire de savoir cuisiner ou pas, ça touche aux besoins essentiels aussi (se nourrir), donc votre argument ne tient pas. Quant au reste, débattre si les loisirs, les arts sont inutiles ou pas, cela revient à se demander tout simplement si ces derniers ne sont pas réservés à celleux qui peuvent se le permettre. Donc, un bon classisme des familles, et je dirais même méritocratie.
Vous allez me dire : mais je n’ai pas dit ça, et ce n’est pas ce que j’ai insinué ! Le jour où vous comprendrez que beaucoup d’opinions sont nées et bien ancrées dans les oppressions systémiques…
Je divague. Après, pas tant que ça, et je vais même aller plus loin : si on pousse la réflexion à son point le plus extrême, on part sur une sorte de « fais tout toi-même si tu n’as pas les tunes ». Une formule dérivée du self-made (wo)man ? Hmmm, ça mérite réflexion.
D’un autre côté, si tu ne fais pas/répares pas toi-même, ou si tu n’y arrives pas, tu glisses doucement dans la case « cassos ». Ooooh, Justine, t’exagères pas un peu, là ? Non, pas quand avec le fameux « Fais-le toi-même » est suivi de « Mais c’est pas possible, sors-toi les doigts du cul là ! », « Pauvre cassos assistæ qui jette l’argent par les fenêtres et ne sait rien faire de ses dix doigts ».
La réussite, la réussite, la méritocratie. Et celleux qui échouent, qui ne font pas, allez hop, à la poubelle.
Voilà en quoi cela se rapproche beaucoup du mythe du self-made (wo)man, et par ricochet, le fait de ne pas savoir déléguer pour des choses qu’on ne sait pas faire/qu’on n’est pas en mesure de faire. De se la jouer solo, quoi, comme l’explique si bien Multi Scope Studio. Alors oui, là on ne parle pas de monter sa propre boîte, mais y a quand même un bon parallèle à faire.
C’est bien beau de dire à tout bout de champ « Débrouille-toi », « Fais toi-même », notamment en regardant sur Internet quand on ne sait pas, pour apprendre. Il faut avoir le temps, avoir l’énergie, etc. Et surtout, on ne peut pas se diviser à l’infini…
Prenons mon exemple : me couper les cheveux seule, du moins les pointes, faire une frange… J’ai réussi à apprendre, je me débrouille pas trop mal. Par contre, vous me collez un ordi entre les mains pour le nettoyer, le réparer, même avec dix milliards de tutos, je vais me viander. Je vais achever l’ordi, en fait. Suis-je quelqu’un de profondément con ? Suis-je une cassos ? Pourtant, j’aimerais pouvoir être capable de ça, mais les faits sont là : ce n’est pas le cas. Je sais faire plein de choses, mais pas celle-là.
D’où le fait de déléguer, faire appel à d’autres personnes pour toutes ces choses qu’on ne sait pas. Alors oui, il y a des arnaqueuxes, comme partout. Reprenons l’exemple du médecin : dans cette profession, il y a des incapables, des personnes problématiques. Pour autant, est-ce qu’il faut pour autant se soigner soi-même ? On voit ce que ça donne avec les dérives sectaires, l’anthroposophie…
Pour tous les autres domaines, c’est pareil.
Le fait de présupposer qu’une personne qui n’a pas les capacités, pas l’énergie, pas le temps, etc., est une cassos, c’est du validisme. Et ce mythe de la volonté, là, qu’on commande… Et aussi, lui donner des « conseils » sur comment elle devrait gérer son argent. Sérieusement.
J’ai bien une chose à vous dire, mais elle ne va pas vous plaire : apprenez à fermer votre gueule, en fait. S’il y a bien un domaine où vous devriez investir du temps, de l’énergie, pour votre propre bien, c’est celui-là. Et vos « Gnagnagna, on ne peut plus rien dire », déjà, avant de juger autrui, regardez-vous dans une glace.
C’est tout pour moi.
À bientôt pour d’autres JustArticles aussi véners.
Je suis en plein dedans, je marche dans le brouillard actuellement à essayé de me battre contre des démons (des vieux schémas) bon courage à toi et belle journée
Bon courage à toi aussi, et j’espère que tu parviendras à te sortir de tout ça, c’est pas facile…
Merci, j’espère que tu passeras un bon début de semaine
Tu ne sais pas à quel point tu es proche de l’avenir avec ce que tu dis sur « se soigner soi-même, ça coûte moins cher ». 😭
Pour le reste, si X a fait des études de plomberie, ou d’électricité, ou je sais pas, iel doit probablement avoir une expertise qu’un tuto internet et mon cerveau en bouilli n’ont pas. Je sais en France valoriser les diplômes et l’expertise c’est mal. Il faut être souple, réactif, adaptatif. Soudeur un jour, boulanger le second, prof le troisième. 🙄 Brefle 🤣
D’un autre côté, on est aussi à fond sur les diplômes : il faut que tu en aies un, qu’il soit prestigieux, et que tu fasses un boulot prestigieux, et blablabla…
Du coup en fait entre ça et être adaptatif (car ça se côtoie), tu te dis : bleh.
Je dois être socialement à côté de la plaque…
Quand je dis à quelqu’un, ou que quelqu’un me dit « pourquoi tu ne fais pas ça toit même », je prend ça comme une invitation pour qu’on le fasse ensemble.
Disons que ta façon de comprendre la question ou la façon dont tu l’envisages n’est pas celle qui est la plupart du temps comprise ou qui circule, malheureusement.
Je connais très peu de gens qui, en voulant dire « faisons-le ensemble », disent « pourquoi tu ne fais pas toi-même », tu vois ce que je veux dire ?