L’infestation infernale

[TW cafards et punaises de lit]

Ici, je parlerai d’un bénéficiaire dont je m’occupe depuis fin octobre 2020. Je viens pour le repas du soir, de l’entretien, les courses et pour le stimuler à faire autre chose que regarder la télévision, avec des contacts sociaux, etc.

Appelons-le Mr W. Il est handicapé, travaille en ESAT et vit dans son propre logement. Des éducateurices s’occupent de lui et d’autres travailleuxes en ESAT, iels vivent dans un immeuble géré par un bailleur social.

Jusqu’à fin 2021, même si son logement est un peu petit, pas trop bien isolé ( en même temps, on parle d’un logement social…), c’était plutôt correct. Puis les problèmes ont commencé à survenir après une invasion classique de certains logements de l’immeuble où il vit par des cafards.

Ce n’était pas la première, mais jusqu’à présent, son logement n’avait pas été touché. Là, j’ai commencé à en trouver quelques uns. Avec mes binômes (oui, elles se sont succédé de juillet 2021 à juillet 2022…), nous avons signalé, fait ce qu’il fallait pour ne pas que l’invasion s’intensifie.

Le problème était que c’était déjà trop tard. L’immeuble tout entier était touché, et c’en était au stade où les cafards se logeaient dans les murs. Mis à part détruire le bâtiment, il n’y a rien d’autre qui pouvait marcher.

De plus, après le passage d’une entreprise pour une désinsectisation chimique, j’ai commencé à apercevoir d’étranges insectes ronds, noirs, sur les murs… et dans le lit de Mr W. Après avoir montré à une éducatrice, le couperet tombe : ce sont des punaises de lit.

Pendant un an, j’ai lutté avec mes binômes comme je pouvais contre les cafards ET les punaises de lit. Seulement, malgré nos efforts, l’invasion s’est poursuivie. Miraculeusement, je n’en ai pas ramené chez moi !

Octobre 2022 est arrivé. Ce n’était plus possible, et j’avais l’impression que personne ne se bougeait pour trouver une solution. J’ai finalement réussi à avoir une discussion avec les éducateurices, qui sont aussi démuni.e.s que moi. Iels ne cessaient de remonter le problème au bailleur social, les familles de plusieurs travailleuxes ont même contacté l’ARS, car c’était devenu un énorme problème de santé public. Iels voulaient même exercer leur droit de retrait…

Moi et ma binôme avons failli le faire, pour les mêmes raisons.

Mr W est indépendant et gère son argent, mais pour les achats spéciaux, il fallait demander l’accord de sa curatrice. Pour tenter de limiter les dégâts pour mon bénéficiaire, nous avons changé une première fois son lit intégralement, matelas compris, durant l’été 2022. Malheureusement, les punaises de lit ont aussitôt colonisé le nouveau lit… preuve que cela venait bien des murs. D’ailleurs, j’ai pu le constater en direct en examinant les plinthes au plafond. Elles étaient remplies de points noirs… Déjections, œufs ?

Devant le désastre, j’ai demandé à ce que l’on achète une housse anti-punaises de lit pour le matelas et l’oreiller. Mr W n’a ni Internet ni ordinateur. Après une commande qui s’est égarée, nous avons reçu les articles. Problème : seule la taie d’oreiller anti-punaises de lit convenait, la housse de matelas n’était pas à la bonne taille. La curatrice s’est trompée…

Chose qui m’a bien agacée par après : lorsque les éducateurices, à ma demande et celle de ma binôme, ont contacté la curatrice pour commander la bonne housse, elle a d’abord dit oui, puis non, parce qu’elle ne pouvait pas « passer son temps à faire des colis ». Là, il va falloir m’expliquer. On ne trouve pas de housses anti-punaises de lit dans les magasins de ma ville… et mon bénéficiaire n’utilise pas Internet.

Finalement, les éducateurices ont trouvé une solution : reloger les travailleuxes de l’ESAT à divers endroits. Pour mon bénéficiaire, il a été relogé dans une chambre, dans une résidence d’étudiante.s. C’est mieux que rien, même si c’est plus petit… Au début, il ne voulait pas, mais ses éducateurices ont réussi à le convaincre.

En mars 2023, enfin, il a déménagé. Il a dû laisser toutes ses affaires, sauf des vêtements, objets personnels, conservés dans des cartons mis dans des frigos spéciaux pendant une quinzaine de jours, pour tuer tous les insectes, les œufs qui s’y trouveraient.

En attendant, c’était vraiment l’enfer, et je pointe du doigt le bailleur social pour le coup. Je suis légèrement agacée par la curatrice également. Je n’ai pas fait commander tous ces « colis » pour le plaisir, mais pour le bien de Mr W.

Enfin. Aujourd’hui, mes interventions se passent bien dans le nouveau logement, et je croise les doigts pour que Mr W ne connaisse pas de problèmes.