La machine à laver qui avait le cafard

[TW cafards]

Bon, le ton de ce témoignage est un peu plus tourné sur l’humour, et la plume est un peu plus élaborée, car j’ai écrit ce texte lors d’un défi. Ce texte est également écrit au présent, parce que tout remettre au passé composé et imparfait, bof, et j’ai rajouté des éléments qu’il n’y avait pas, notamment… l’infestation de cafards abominable dont ce bénéficiaire était victime.

J’allais chez ce Mr, que je surnommerai Mr X, pour de l’aide à la toilette et du ménage. J’y suis intervenue de fin 2019 à fin 2020, souvent ponctuellement. Sur ce, bonne lecture.

D’un pas vif, je remonte la rue et me plante devant un immeuble. Nous sommes vendredi et j’ai hâte de profiter de mon week-end de repos. Je consulte l’heure sur mon smartphone professionnel. Je suis un peu en avance, tant mieux. Je prends l’ascenseur, arrive devant chez Mr X, puis sonne à la porte. Il s’agit de la troisième intervention de la matinée et, même si ça a été plutôt tranquille jusqu’à présent, quelque chose me soufflait que ça ne durerait pas…

Le logement est infesté de cafards, qui sortent même en journée. Une entreprise devait passer de nouveau pour désinfestation chimique… Mr X est sous tutelle et a un peu de famille.

Un homme d’une soixantaine d’années vient m’ouvrir et me sourit. C’est la deuxième fois que je me rends chez Mr X et il a l’air d’apprécier ma présence et mon travail. Après que nous nous soyons salués, je rentre et pointe avec mon smartphone – eh oui, on n’arrête pas le progrès. Je lis le cahier de transmission et fronce les sourcils. J’avais signalé lors de mon premier passage qu’une très mauvaise odeur provenait du lave-linge, avec un fond d’eau brunâtre. Une collègue avait même écrit antérieurement que la machine marchait mal.

D’un ton agacé – c’est ainsi que je me l’imagine, avec ce point d’exclamation qui paraît prêt à bondir sur moi –, elle m’a répondu qu’elle fonctionnait et essorait ! Bon, bon, je ne me formalise pas. J’ai plutôt tendance à me remettre en question, comme d’habitude. Je m’occupe des tâches à faire chez Mr X, puis je lance une machine en route. Je lui ai demandé de suspendre le linge lorsqu’elle serait terminée. Enfin, je repars, légèrement préoccupée. Ce problème de machine amplifie l’infestation de cafards.

Le week-end passe. Lundi, me voilà de nouveau chez Mr X. Hélas, je remarque son air déconfit.

— Eh bien, qu’est-ce qu’il vous arrive ?

Dans un soupir, il m’explique :

— La machine ne marche pas.

— Ah bon ?

— Oui, il y a plein d’eau.

Lorsque j’ouvre le lave-linge, je suis assaillie par une odeur épouvantable. Les habits baignent dans un liquide marron. Je les mets tant bien que mal dans une bassine et je marque un gros paragraphe dans le cahier de transmission. Non, la machine ne fonctionne vraiment pas ! Elle salit le linge et ne se vidange pas ! D’ailleurs, il est bon à jeter à la poubelle, il a commencé à moisir ! Je m’efforce de rassurer Mr X et remonte l’information à l’association d’aide à la personne où je travaille. En une demi-heure, eh, je ne peux accomplir de miracles…

Quelques jours plus tard, je lis dans le cahier que la deuxième collègue qui s’occupe de Mr X appuie mes propos. Donc je ne suis pas incompétente, le lave-linge est HS de chez HS ! Un bref moment, un soupçon de colère m’envahit contre la première intervenante, mais je me reprends. On fait tous des erreurs, moi y compris.

Bon gré mal gré, nous nous débrouillons pendant un mois sans machine. Je lave les sous-vêtements et les chaussettes de Mr X à la main – au moins, il a ça de propre. Malheureusement, personne parmi son entourage n’a pu apporter son secours pour son linge. Quant aux démarches de sa tutrice, elles ont été si lentes… Pourtant, moi et l’association avions fait ce qu’il fallait pour remonter le problème.

Puis, pendant un week-end, une entreprise livre un nouveau lave-linge et le fait installer. Mr X m’explique qu’ils ont beaucoup galéré parce que l’autre était remplie d’eau, entre autres ! Je me réjouis. Enfin nous pourrons travailler correctement ! L’aider à la toilette alors qu’il est contraint de remettre des vêtements sales commençait à devenir pénible… Je lance une lessive et je m’en vais.

Le lendemain, j’y retourne pour une heure cette fois, pour l’entretien du logement. Une fois arrivée, quelle ne fut pas ma consternation en constatant que la nouvelle machine n’a pas essoré ! Mr X me dit :

— Ça fait comme pour l’autre, regardez.

De nouveau, ce fond d’eau brune, même si l’odeur n’était pas aussi horrible que pour le précédent lave-linge… À croire que Mr X avait pris un billet spécial Poisse ! Je recontacte mon agence, laisse encore un mot dans le cahier… Comme ce monsieur est sous tutelle et que seule ma chef de secteur a le numéro de la tutrice, je suis obligée de procéder de la sorte.

Ni une ni deux, l’entreprise qui a installé le lave-linge est venue. L’intervention suivante, Mr X m’explique qu’ils avaient mal placé le tuyau pour la vidange, ou quelque chose de ce style. En bref, l’eau sale revenait au lieu d’être évacuée… Bien, bien. Une lessive, deux lessives, ça marche ! Je me dis qu’enfin, nous sommes sortis de cet imbroglio.

Mercredi, plutôt confiante, je sonne chez lui. Et là, patratas…

— La machine ne s’allume plus.

La peur me saisit.

— Comment ça ?

— Ben hier, tout a disjoncté et depuis, elle ne s’allume plus…

J’ai essayé de la brancher à une prise différente, rien à faire. Je désespère. Le destin s’acharne sur lui, il ne peut pas en être autrement ! Puis, comme si la chance s’est décidée à nous accorder un moment de grâce, la tutrice de Mr X appelle chez lui. J’en profite pour lui expliquer la situation. Elle compte recontacter l’entreprise pour réparer le lave-linge…

Depuis, je suis retournée plusieurs fois chez Mr X. Sa tutrice a passé commande d’une nouvelle machine à laver – l’autre étant définitivement grillée !

Nous en sommes venus à la conclusion que les cafards ont abîmé les deux machines à laver précédentes.

Aujourd’hui, Mr X vit toujours dans son logement, et il y a toujours ce problème de cafards. Ici, le problème du bailleur social surtout, qui aurait dû le reloger dans un habitat décent. Mais bon.