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La classification d’une fiction et ses TW permettent-ils tout ?

TW inceste, violences conjugales, à tout ce qui se rattache à l’horreur

Il n’y a pas longtemps, j’ai écrit un article assez consistant sur la dark romance et les problématiques soulevées derrière. À plusieurs reprises, j’ai parlé de certains romans qui, selon moi, ne devraient pas être classés en dark romance, mais en horreur, thriller psychologique, ou autre. J’ai aussi rappelé l’importance des TW, pas toujours présents ou de manière incomplète, dans ce genre de roman.

Pour autant, j’ai également écrit que cela n’excusait pas la banalisation de thèmes sensibles. Unæ auteurice ne pouvait pas se permettre d’écrire n’importe comment.

Les TW, marques de la « cancel culture », puis arguments de vente ?

J’ai écrit un article complet sur les TW et les préjugés qui existent à leur sujet. Aujourd’hui, la situation a légèrement évolué… avec des dérives qui pouvaient être prévisibles. Par exemple, il existe des ME et/ou auteurices qui utilisent les TW pour se protéger. Du style : « Il y a des TW, donc c’est bon, je peux écrire ce que je veux. » J’ai également vu passer le fait que certaines ME utilisaient les TW comme argument de vente. Ce qui est un usage détourné assez malsain de leur fonction première…

« Ouin ouin, on écrit/lit ce qu’on veut. »

« Vous jouez la police de la littérature. »

« C’est juste du fictif. »

Première règle d’or : la fiction s’inspire de la réalité. C’est con, mais c’est comme ça. Que vous le vouliez ou pas, vous ne pouvez pas entièrement dissocier l’œuvre de ladite réalité, surtout quand elle aborde des thèmes sensibles.

Ensuite, dans mon article sur les TW, j’ai écrit que depuis que je les utilisais, je n’avais jamais autant débridé ma plume. Il est vrai que je vais beaucoup plus en profondeur sur certains sujets durs dans la fiction. Cependant, j’ai des limites que je ne franchirai jamais consciemment : je refuse de glorifier, romantiser ou banaliser des choses inacceptables. Je refuse de blesser des victimes (de VSS, d’inceste, de pédophilie, de violences diverses et variées).

Si je décide d’écrire sur ces sujets, c’est avant tout pour montrer, dénoncer. Certes, il s’agit aussi d’une forme de catharsis pour moi, mais jamais aux dépends des autres victimes. Du coup, je n’utilise pas les TW pour me protéger moi-même, même si, au premier abord, on pourrait le croire.

Je suis loin d’être une personne qui veut tout censurer, tout interdire – surtout qu’interdire sans expliquer derrière, c’est contreproductif. Je souhaite juste alerter sur l’égoïsme – et inconscience – de certaines personnes, auteurices comme lecteurices.

« Si c’est classé en horreur/dark romance/thriller, il faut s’attendre à tout et on peut tout se permettre. »

Dans mon article sur la dark romance, j’explique en long, en large et en travers que non et qu’en plus, il y a une différence entre être subversif et verser dans l’apologie, la banalisation ou la glorification de quelque chose d’insoutenable.

Le genre d’un roman ne doit pas servir non plus à protéger l’auteurice, ce n’est pas sa fonction. Ensuite, je vais expliciter ma réflexion : oui, on peut écrire sur ce que l’on veut, mais pas n’importe comment ! La fiction ne doit pas être l’excuse de la liberté d’expression. Ce n’est pas compliqué à comprendre pourtant, si ?

Si je veux écrire avec pour personnage principal un tueur en série, mon rôle en tant qu’autrice est de montrer, de plonger dans sa psychologie. Le but est de dévoiler les mécanismes de ses actes et paroles, pas de les glorifier ou les banaliser au nom du « mais je suis de son point de vue ». Si je veux écrire un roman d’horreur, je vais certainement utiliser les codes du genre pour provoquer l’effroi, le dégoût, le frisson, etc. chez mes lecteurices. Toutefois, si je vais trop dans la surenchère, ce sera indigeste pour les lecteurices, déjà pour commencer. Ensuite, l’horreur peut flirter avec le malsain, mais si le malsain prend le pas au point de banaliser les actes perpétrés…

Oui, on en revient toujours au même.

Je rappelle que tout genre littéraire a ses codes. Même si certains sont discutables (comme la romance, je vous invite à lire l’article de Julie à ce sujet), eh bien, sans vouloir être puriste ou casse-pied, si vous ne respectez pas lesdits codes, votre roman ne pourra pas s’inscrire dans le genre que vous avez choisi. Et non, en ce qui concerne la dark romance, la romantisation, banalisation, etc. de la violence ne devrait pas être une caractéristique. Il est urgent de remettre les pendules à l’heure à ce sujet, comme je l’expliquais dans mon article sur la dark romance.

Si vous tombez dans la banalisation, la glorification, la romantisation, l’apologie de choses insoutenables, vous sortez complètement du cadre de la fiction tout court. Vous vous exposez aussi à des poursuites judiciaires selon les cas de figure, parce que vous êtes responsables de ce que vous écrivez. Cet article l’explique de manière assez claire.

« Oui, mais ce n’est pas illégal. »

Alors. Ce n’est pas parce que ce n’est pas illégal que c’est bien. Un peu de bon sens, m’enfin ! J’ai cité et expliqué le cas de l’inceste dans mon article sur la dark romance – si si, l’inceste est illégal sous plusieurs conditions, même si la France ou d’autres pays ont tendance aussi à le rendre légitime, ahem. Je citerai un fait encore plus simple : aujourd’hui, le viol conjugal est reconnu et condamné sur le papier. Dans les années 90, le viol conjugal n’existait pas. Voilà.

Il faut aussi ne pas perdre de vue que certaines choses immorales et ignobles aujourd’hui pourraient être condamnables demain si elles ne le sont pas encore – et j’avoue qu’il serait temps, même si je n’approfondirai pas le sujet dans cet article.

L’art, dont la littérature, c’est juste pour le fun.

Je suis désolée de vous décevoir, mais :

– Toute création s’inspire toujours de la réalité et d’une partie de san créateurice, iel ne peut pas se dédouaner.

– Toute œuvre est politique.

– Il y a toujours un message derrière toute œuvre.

Le fait de verser dans le divertissement est même un excellent moyen d’opérer, si vous voulez mon avis. La téléréalité en est un excellent exemple. Non mais, Justine, allô ? La téléréalité, c’est la culture du vide, qu’est-ce que tu racontes, là ? Eh bien, avec la téléréalité, vous n’imaginez pas les enjeux politiques et pécuniaires derrière. Vous n’imaginez pas à quel point ce que vous appelez « culture du vide » permet de bien museler les téléspectateurices, puisque l’on ne cherche pas à faire appel à leur esprit critique, mais à juste se vider la tête. Et la téléréalité est un parfait exemple de création où la fiction s’inspire de la réalité. Oui, cela reste une création ; après, qu’elle soit utile ou inutile, bonne ou mauvaise, là c’est une autre histoire.

Lorsque j’écris mes livres, lorsque je peins, lorsque je chante, je m’amuse, oui. Je me détends, même si cela reste du travail. Oui, parce que ce n’est pas parce que c’est quelque chose qui nous passionne que ce n’est pas du travail. Je mets une part de moi, que je le veuille ou non. Mes idéaux y transparaissent. D’accord, cela se perçoit surtout dans mes écrits à l’heure actuelle, mais voilà.

Dernier point : la littérature, c’est de la culture. À quel moment peut-on se dire que ce n’est pas le cas, surtout au regard de ce qu’il s’est passé dans l’histoire ? La littérature a longtemps été l’apanage des castes de privilégiæs. Savoir lire n’est pas donné à la populace, à la base ! Aujourd’hui, nous avons des oppositions entre « les romans de niche » vs « les romans de gare », pour ne parler que de cela, et l’on fait bien comprendre que les « romans de niche » sont de la vraie littérature. Hum…

J’aurais l’occasion de revenir dans un article qui sortira bientôt sur ce qu’est la littérature. Quoi qu’il en soit, par pitié, cessez de me dire que la littérature, ce n’est pas de la culture, surtout quand on voit qu’aujourd’hui, avec le prix des livres, lire va redevenir un luxe seulement accessible aux personnes aisées…

Conclusion de tout ce laïus : ne vous réfugiez pas derrière le genre et les TW d’un roman, ou de n’importe quelle œuvre. En tant que créateurices, vous êtes responsables de ce que vous produisez. En tant que consommateurices desdites créations, gardez l’esprit critique et ne vous dites pas que c’est juste de la fiction. La réalité rattrape la fiction, aussi, et il s’agirait de cesser d’être dans le déni à ce sujet. Parce que si vous vous sentez heurtæs par les horreurs de la réalité, au point de ne pas vouloir admettre qu’elles existent, ayez la décence d’avoir la même posture quand des créations, dont les fictions, les révèlent…

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