Confondue avec une servante

Ici, je vous parlerai de Mme A. Je rappelle que le A n’a aucun rapport avec son prénom et son nom de famille. Je vais chez elle pour lui donner la douche, et j’ai eu des interventions pour le ménage par le passé. Mme A est sous curatelle.

Je m’occupe d’elle depuis décembre 2021, et pour les interventions de ménage, c’était de septembre 2022 à décembre 2022. Jusqu’à septembre 2022, les interventions se passaient bien.

Fin septembre 2022, Mme A s’est plainte de mon intervention ménage, qui avait lieu le mardi après-midi, le vendredi, alors que j’étais venue chez elle mercredi matin. Oh, trois fois rien : j’ai bougé un fil d’une prise sans le faire exprès et j’ai fait tomber un téléphone fixe, sans casser quoi que ce soit.

Durant la semaine, sinon, elle avait tendance à s’énerver pour tout et n’importe quoi. Bref, j’ai laissé couler. Cependant, elle a continué, continué, et même lâché : « Je vais finir par signaler tout cela à l’association (où je travaille) ».

J’ai une tournée assez difficile, même ma chef le reconnaît encore aujourd’hui. La semaine avait été très lourde, j’étais épuisée. Alors oui, quand Mme A a dit cela, je lui ai répondu : « Si vous n’êtes plus satisfaite de moi, eh bien oui, appelez ma boîte et vous ne me reverrez plus ». J’ai fondu en larmes. Mme A s’est sentie décontenancée, mal à l’aise, elle s’est excusée. Puis je lui ai dit : « Vous voyez, c’est très difficile pour nous, les aides à domicile, en ce moment. Si je fais autant de bêtises, c’est parce que je suis épuisée, surchargée, il n’y a pas que moi. Il n’y a plus de personnel du tout, comprenez cela. »

Oui, j’ai tourné les choses de manière à ne pas l’accabler ou l’accuser, je voulais juste qu’elle comprenne que tout le monde devait se montrer conciliant, elle comprise.

Eh bien, le message n’est pas vraiment passé comme il le devrait.

L’après-midi même, ma chef m’a appelée. Je précise que je n’avais pas du tout signalé l’incident, c’était clos pour moi. Ma chef m’a alors dit que le compagnon de Mme A avait appelé pour dire à l’association que j’étais arrivée chez Mme A en pleurant et en disant que j’étais trop surchargée. Comme ma chef doutait fortement de tout ça, elle m’a demandé ma version. Ce que j’ai fait. Du coup, les prochains incidents, je devais les signaler. Elle m’a également dit de ne pas m’inquiéter, que je n’avais rien fait de répréhensible, et mon attitude n’a rien eu de « non professionnelle ».

Si j’avais su que ce n’était que le prélude à une rocambolesquerie (ce mot n’existe pas, je sais), si j’avais su…

Une semaine plus tard, j’ai revu Mme A. J’étais d’après-midi toute la semaine, du coup je ne l’avais pas dans ma tournée. J’ai vu également son compagnon, que je vais nommer Mr Z (bref, vous connaissez la chanson). On a discuté, puis Mr Z a commencé à me dire : « Vous savez, il ne faut pas pleurer, demandez à vos supérieurs de ne pas vous charger autant ». Moi, calmement, j’ai rectifié certaines choses : « Je ne suis pas arrivée en pleurant, mais parce que Mme A m’a reproché plusieurs choses, c’est une accumulation. En plus, je ne suis pas la seule à être épuisée, il n’y a plus de personnel dans l’aide à la personne, c’est dur pour tout le monde. »

Et là, il m’a lâché avec un culot magistral : « Ben oui, mais la prochaine fois, faites ça ailleurs (pleurer), ce n’est pas très professionnel. Vous travaillez avec un public fragile, il faut que vous preniez sur vous. »

J’ai inspiré un bon coup, et toujours calmement, j’ai dit : « Je ne pleure pas pour rien. N’oubliez pas que nous sommes humains. Mettez-vous à ma place. »

Tout le long de l’intervention, il a essayé de plaisanter avec moi, il me lâchait des « On vous aime bien, on aime pas vous voir triste », des « J’essaie de vous faire rire un peu ».

Ce qu’il m’a dit avant, concernant le professionnalisme, ce que je suis censée faire, je ne l’ai pas digéré.

Surtout quand la faute revient en partie à Mme A.

Deux semaines plus tard, nouvel épisode. Cela s’est passé le lendemain d’une intervention ménage qui, je le rappelle, était le mardi après-midi. Mercredi matin, je suis arrivée chez Mme A. Après les salutations, Mr Z a dit alors à Mme A : maintenant qu’elle est là, gentiment, explique-lui le problème, sans t’énerver, parce que vraiment tu exagères.

Moi, étonnée, j’ai attendu. Mme A dit alors que je n’avais pas replacé exactement deux choses dans son armoire : pour prendre les draps pour changer son lit, j’avais dû effectivement déplacer deux oreillers, qu’elle n’utilise jamais et a rangé là. Bon, très bien, j’ai pris note.

J’avais déjà repéré qu’elle était assez pénible avec ses petites habitudes, et aussi, malheureusement, qu’elle changeait d’avis pour le déroulement de certaines choses, et pour certaines, elle se rendait compte que ça n’allait pas. Parce qu’il ne fallait surtout pas la contrer, oh la la.

Encore aujourd’hui, d’ailleurs, sauf que je ne suis plus aussi gentille. Bref, je reprends.

Et là, Mr Z a disputé Mme A en lui disant qu’il allait falloir qu’elle mette le poing dans la poche, que de reprocher des choses aux gens derrière leur dos, c’était hypocrite et qu’en plus, s’énerver pour des bêtises, il fallait arrêter. J’avoue que sur le moment, qu’il ait « pris la défense » face au comportement de Mme A, ça m’a surprise. Je suis restée néanmoins sur mes gardes, j’ai vu la dernière fois ce dont il pouvait être capable, lui aussi.

Donc voilà : en tant qu’aides à domicile, nous sommes vu.e.s parfois comme des serviteurs, maîtres et maîtresses de maison qui devons absolument faire les choses au carré. Et parfois, on s’énerve dans notre dos et cela peut avoir des conséquences dramatiques si la personne qui bave sur nous le fait à l’association par exemple.

Petit rappel : il s’agit d’une bénéficiaire fixe sur ma tournée, et ce qu’il se passe n’est pas suffisant pour me faire exercer le droit de retrait. Si je raconte tout cela, c’est pour faire prendre conscience de certaines choses.

Sinon, plusieurs fois, Mme A ne me prenait pas au sérieux quand je lui communiquais une information, notamment sur les changements d’horaires de bus, ou de poteaux. Comme si j’étais une gamine qui racontait n’importe quoi. C’est assez gonflant, je ne vous le cache pas.

Le mois de décembre est arrivé. Mon intervention avec Mme A a failli tourner au vinaigre, encore une fois, pour des conneries. Avant que l’intervention commence, elle m’a demandé un petit service. Avant toute chose : j’ai seulement percuté après que j’aurais dû refuser net, du moins ma mère me l’a dit. En fait, Mme A devait déménager à côté d’ici un mois, elle voulait que je transvase deux chaises de son logement actuel à l’autre. Bref.

Je lui ai répondu : « S’il me reste du temps après avoir fini mes tâches, d’accord, parce que je ne peux pas me mettre en retard, j’ai des personnes après vous. »

Et là, j’ai rien compris : déjà, Mme A n’avait pas fini son petit déjeuner. Quand c’est comme ça, j’avance sur mes autres tâches avant la douche, et elle ne m’a jamais rien dit. Là, en me voyant faire, elle s’est énervée, me dit qu’elle a fini, qu’on perd du temps… Bon, c’est pas grave, j’avais aussi fini de mon côté. Ensuite, elle m’a dit sèchement de mettre les gants. Je n’ai pas compris son mouvement d’humeur. Je lui ai répondu : « Oui, je me lave les mains avant, sinon ça ne sert à rien. » Et là, ce fut le drame. Elle m’a dit : « Ça ne va pas du tout, vous me disputez, en plus je vous demandais juste un service… » Je l’ai regardée avec des yeux ronds : « Attendez, calmez-vous, de quoi vous parlez ? » Elle s’est énervée encore plus : « Vous ne me parlez pas comme ça ! » J’ai pris dans mes dernières réserves de patience ai lui ai redemandé, calmement : « Mme A, que se passe-t-il ? Quand vous ai-je dit non, et pourquoi vous pensez que je vous ai disputée ? »

Instant de flottement, gros silence. Son visage s’est décomposé. Elle a bredouillé alors, très mal à l’aise : « Je… Je ne sais pas. Excusez-moi, je ne vais pas bien du tout. »

Elle m’a expliqué alors des choses personnelles, que je ne révélerai pas. Quoi qu’il en soit, elle s’est rendu compte quand même qu’elle m’a prise pour un punching-ball.

Ce n’était pas la première fois qu’elle m’infligeait ça, que ce soit à moi ou d’autres. Là par contre, c’était plus violent (en ce qui me concerne) que les autres fois.

Le mois de janvier 2023 est à son tour arrivé. Là, la situation prend un tour vraiment dramatique, indépendant de ma volonté.

TW suicide (tentatives)

Être aide à domicile, c’est aussi gérer les idées noires chez unæ bénéficiaire. Ce genre de choses, cela m’arrive régulièrement. Là, on est passés un cran au-dessus.

C’est aussi devoir gérer une tentative de suicide, et là, entre la théorie et la pratique… Voilà ce que j’ai dû faire un vendredi matin, en arrivant chez Mme A. Je n’aurais jamais soupçonné qu’elle puisse aller jusque-là.

Elle m’a d’abord fait part de ses intentions. J’ai tout fait pour la dissuader. Avant que je parte, avant que j’aie pu faire quoi que ce soit, elle a agi (cachets). J’ai appelé immédiatement le 15. Elle a été prise en charge très vite, pas d’inquiétude.

Ensuite, le harcèlement téléphonique a commencé. Je vous explique.

Mme A avait choppé mon numéro de téléphone portable professionnel, sans doute une des fois où j’ai dû l’appeler parce qu’elle n’avait pas entendu la sonnette de son appartement. De temps en temps, elle m’appelait alors pour deux ou trois bricoles, ce n’était pas bien méchant.

En janvier, quand elle a été hospitalisée le vendredi matin, ma chef a pris l’initiative d’annuler les interventions du week-end, vu qu’on ne savait pas pour combien de temps elle en avait. Ah ben Mme A m’a laissé pas moins de sept message vocaux et un SMS, pour m’engueuler, me pourrir, parce que les interventions avaient été annulées. Bref. Moi, je lui ai laissé un message aussi glacial que la banquise en lui rappelant qu’elle n’avait pas à me parler ainsi, que je n’étais pas responsable de cette décision, qu’elle n’avait pas à m’importuner hors de mes heures de travail et que si elle avait un problème, elle n’avait qu’à joindre l’association où je travaille.

Par la suite, les interventions ont été interrompues de la mi-janvier à fin février, parce qu’elle était retournée vivre chez Mr Z et la nouvelle compagne qu’il avait à ce moment-là.

Mme A est finalement revenue parce que ça ne se passait pas bien. La reprise a été très dure : déjà, l’autre compagne de Mr Z avait mis en place un « protocole de soins » claqué au sol. Je me suis battue avec ma binôme avec Mme A pour lui faire comprendre qu’on n’avait pas le droit de faire certaines choses, et qu’en plus c’était complètement inadapté. J’ai dû appeler l’astreinte de l’association où je travaille devant elle pour lui faire entendre raison…

Sinon, Mme A s’amusait à m’appeler systématiquement pendant mes jours de repos. J’avais beau lui dire d’arrêter, rien à faire. Puis, lors de mon week-end de repos du 22 et 23 avril, le message vocal de trop : « Il ne faut pas éteindre votre portable », d’un ton énervé.

Là, j’ai pris la décision de lui interdire de m’appeler tout court. J’ai averti ma chef de ce qu’il s’était passé.

Le vendredi suivant (oui, car j’étais d’après-midi, je ne la revoyais pas avant), je suis arrivée chez Mme A. Et là, j’ai remis les pendules à l’heure. Vraiment. Elle n’était pas prête.

Je suis rentrée d’emblée dans le vif du sujet. Là, elle m’a sorti : « Je me suis trompée, ce n’était pas vous que je voulais appeler ». Très bien, sauf que cela ne changeait rien à ma réflexion. Comme je n’en démordais pas, elle a commencé à s’énerver : « Oui mais je vais faire comment ? » ; « Oui, mais je me suis trompée » ; « Oui, mais non, ça ne va pas »… Je lui ai répondu à chaque fois avec des arguments, dont : « Il y a une astreinte, et non, mes autres collègues ne vous passaient certainement pas leur numéro de téléphone ».

Je suis restée calme, sans élever la voix, rien, pendant qu’elle montait dans les tours. Et puis elle m’a lâché : « Oui mais non, ça ne va pas, et là vous m’agressez. »

Je n’ai pas perdu mon calme.

Elle a eu droit au : « Est-ce que je suis énervée ? Est-ce que je suis en train de crier ? Vous ai-je insultée ? »

Elle a été tellement choquée du changement qu’elle n’a rien dit pendant cinq bonnes secondes. Moi, je n’étais plus vraiment là. Elle est alors partie en vrille. Pêle-mêle, elle a dit qu’elle couperait son téléphone portable aussi alors, et qu’elle n’avait pas aimé que ma boîte l’appelle sur le fixe, et que son (ex)compagnon n’avait pas à savoir…

Elle s’est pris des réponses incisives, du style : « Ce n’est pas mon problème », « Prenez-le comme vous voulez », « Je m’en moque ».

En voyant qu’elle n’avait plus aucune prise sur moi, elle m’a sorti : « Oui ben de toute façon, sur Internet, c’est marqué que vous êtes une arnaque, et telle association aussi, et telle autre ».

La réponse ne s’est pas fait attendre : « Dans ce cas, si nous sommes une arnaque, je m’en vais, je vous laisse vous débrouiller ». Réaction : « Euh, mais non, non, ça ne va pas. »

Sur ce, car on avait assez perdu de temps et vu qu’elle était confuse, nous sommes allées à la salle de bains pour la douche. Et là, elle a secoué la tête, et elle a dit : « Non, vous avez raison, je dois arrêter mes conneries avec le téléphone. Je n’aurais pas dû vous laisser ce message même si je me suis trompée. Et puis oui, là je me dis : Justine, ce n’est pas ta sœur, ce n’est pas ta copine, etc. » (oui, elle parle de moi à la 3ème personne parfois même en s’adressant à moi, c’est normal ça).

L’intervention s’est déroulée normalement.

Depuis que j’ai montré les dents de cette façon, elle n’a jamais recommencé pour le harcèlement téléphonique. Je ne peux pas en dire autant pour le reste : quand Mme ne va pas bien, elle retombe dans ses travers, que ce soit avec moi ou ma binôme. Par exemple, elle va se montrer agressive, nous jeter des reproches sans queue ni tête. Elle va vouloir remettre en question certaines choses que l’on fait dans notre protocole, ou alors nous comparer l’une et l’autre. Nous lui disons régulièrement de cesser cela. Nous devons souvent la recadrer, et parfois, cela explose. Ma chef de secteur actuelle est au courant et reste à notre écoute, car très sincèrement, ce n’est pas facile. Mme A nous rend parfois chèvres !