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Les Sensitivity Readers

Début avril 2021, j’ai lancé un appel sur Twitter pour trouver des Sensitivity Readers à propos de mon projet Evana. Du moins, pour les parties 2 et 3. J’ai un personnage NB, Creori. Je voulais bien évidemment savoir si le traitement que j’en avais fait était bon, s’iel était bien inséræ dans le projet, si la réaction des autres personnages envers ellui était réaliste, si ce personnage était bien construit… Bref, si je n’avais pas fait de la merde, quoi.

Au total, depuis deux ans, Evana est passé aux mains de quatre Sensitivity Readers. Si les deux premiers m’ont demandé de développer un peu plus Creori (est-ce qu’iel est genderfluid, agender, etc. ?), les deux derniers m’ont soulevé quelque chose qui m’a à la fois dépitée et rassurée.

Pour vous la faire courte : j’ai voulu trop bien faire. J’ai voulu être trop pédagogue sur le sujet, alors qu’Evana reste un récit de fiction. J’ai le droit de rester dans le flou, de montrer certaines choses et pas d’autres. Je n’ai pas à forcément expliquer comme dans un manuel.

J’ai fait une synthèse des retours de ces quatre Sensitivity Readers, puis je me suis attelée à la réécriture de Femme de toiles et de vers. Pour I-Doll, le travail fut plus important.

J’ai décidé de ne pas donner trop de précisions ni de lâcher trop de termes « techniques » concernant Creori. Je préfère montrer, suggérer. Un des Sensitivity Readers m’a donné pour exemple de procéder un peu au même traitement que pour le Fou/Ambre, dans l’Assassin Royal, de Robin Hobb 😊.

Où est-ce que je veux en venir avec ce retour d’expérience ? Eh bien, je lis ou entends souvent qu’il n’y a aucun intérêt à faire appel à des Sensitivity Readers. Ce serait une forme de censure, de la cancel-culture, et j’en passe et des meilleures.

Comme vous pouvez le constater :

– Personne ne m’a censurée.

– Je n’ai pas reçu de conseils où l’on me dit en substance que mon personnage doit faire comme ceci ou comme cela, sinon je suis transphobe/raciste/etc. Bon, il y a peut-être un biais. Même si j’ai été maladroite à certains passages, même si sans le vouloir, par exemple, Evana a fait preuve de White Saviourism (‘fin, Cis Saviourism pour être plus exacte…), je n’ai pas été à proprement parler problématique. Je n’ai pas fait de désinformation, je n’ai pas fait ou dit des choses fausses.

– Il n’y a eu aucun amalgame entre moi et un de mes personnages (que ce soit Creori, Evana, ou d’autres). Il est clair depuis le début que c’est un récit de fiction, les conseils que j’ai reçus vont donc en ce sens. J’ai, du coup, reçu aussi des remarques sur le show don’t tell : en voulant trop expliquer, trop bien faire concernant Creori, bah je suis tombée dans le tell. J’ai aussi eu des conseils propres au scénario (et des noms d’ouvrage, comme Save The Cat). C’est plutôt cool, non ?

– Je ne me suis pas fait incendier pour avoir écrit sur un sujet où je ne suis pas concernée.

– Je ne me suis pas non plus fait arnaquer ! Oui, non parce que ça aussi, j’ai pu le lire sur les RS. N’importe quoi…

– Je ne me suis pas fait taper non plus.

Voilà, maintenant que j’ai balayé tous les préjugés qui peuvent rôder autour des Sensitivity Readers, il serait peut-être temps de dire ce que c’est exactement. Une personne trop sensible ? Oui, bon, référence à mon post sur Instagram, si vous me suivez là-bas… Je deviens lourde avec mes blagues, hein ?

Unæ Sensitivity Reader, c’est unæ bêta-lecteurice spécialisæ dans un domaine et/ou qui est concernæ de près ou de loin par le sujet. Si vous écrivez une histoire sur la pâtisserie, vous faites des recherches. Vous allez jusqu’à interroger des personnes travaillant dans ce métier, n’est-ce pas ? Alors pourquoi est-ce si dur de faire la même chose concernant une culture, une religion, l’identité de genre, des personnes racisées, etc. ? C’est quoi le problème ?

Mon expérience montre bien que non, on ne m’a pas lissé mon texte. On ne m’a pas demandé de virer des trucs. Et non, on ne m’a pas demandé non plus de faire de la propagande (désolée, fallait que ça sorte). On m’a demandé d’être moi-même, de me faire confiance, de ne pas perdre de vue que je n’écris pas une thèse sur le sujet, mais une histoire. Comme je n’ai pas véhiculé de mauvais clichés, des idées nauséabondes, de propos problématiques, tout va bien, non ? Et si j’en avais véhiculé, iels m’auraient aidée à les repérer et à changer ça.

Vous ne voulez pas faire appel à des Sensitivity Readers ? C’est votre droit, je ne cherche pas à vous convaincre là-dessus. À ce propos, personne ne m’a forcé la main pour le faire, alors jamais je n’imposerai quoique ce soit. En revanche, je ne veux plus entendre ou lire de conneries à ce sujet. Ça, j’ai le droit de le dire. Je suis plus qu’agacée quand je vois des personnes anti-Sensitivity-Readers raconter vraiment n’importe quoi et hurler à la censure, à l’arnaque, alors qu’en fait, elles ne savent pas de quoi elles parlent.

Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. Je n’ai donné aucune injonction, aucun ordre… si ce n’est d’arrêter de raconter des conneries, en fait. Voilà.

À vous la parole 😊.

Cet article a 5 commentaires

  1. Hub l’ apéricube

    Est nécessaire ce qui doit être et ne peut pas ne pas être (paraphrase)
    Bisous

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