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Les RS, Règne du Surmoi ou Régression du Singe

J’avais écrit cet article en 2019, je le republie après l’avoir modifié légèrement, de manière à virer les quelques propos problématiques avec lesquels je ne suis plus du tout en phase aujourd’hui. Je le republie, parce que le sujet abordé est on ne peut plus actuel.

Vous commencez à me connaître depuis le temps, alors vous n’êtes pas surprix par le titre. Définissons quelques termes quand même, au cas où :

Le Surmoi représente une intériorisation des interdits parentaux, une puissance interdictrice dont le Moi est obligé de tenir compte. L’être humain subit, en effet, durant son enfance, une longue dépendance qu’exprime le Surmoi. Le Surmoi est cette voix en nous qui dit « il ne faut pas », une sorte de loi morale qui agit sur nous sans comprendre son origine. Pour en savoir plus, c’est par ici.

Singe est utilisé ici à la place d’Homme – parce qu’eux et les humains ont un ancêtre commun et que pour les besoins de l’article, je nous compare à des singes même si je me dis que sur certains points, ils sont un poil plus évolués que nous, sans offense.

Bon, pour Singe, Régression, c’est compréhensible. Mais Surmoi ? Eh bien voilà, j’ai l’impression que les RS sont devenus l’instance du « Faut pas faire ci, faut faire ça », et cetera (en 2023, c’est encore plus vrai). Paradoxalement, certaines personnes se sont toujours senties plus fortes derrière un clavier et un écran et se comportent vraiment de façon dégueulasse sur les RS. Leur attitude tient plus lieu du « Ça » du coup, non ? C’est-à-dire ce qui régit nos pulsions, ce qui fait tomber les barrières de notre bienséance…

Je pense tout simplement que chaque personne laisse son Ça se lâcher sur les RS et qu’elle le sublime en Surmoi en croyant dur comme fer qu’elle fait preuve de franchise, de vérité et que la liberté d’expression est chère à ses yeux.

Je sens que j’en ai déjà perdu certains d’entre vous.

Voilà où moi, personnellement, j’en suis aujourd’hui. Lorsque je souhaite m’exprimer sur les RS, je m’aperçois que je suis tout sauf naturelle et libre (en 2023, ça va un peu mieux, mais il reste quand même des trucs qui me chiffonnent fort, j’en reparlerai dans un futur article). J’ai l’impression de devoir peser chacun de mes mots, de mes posts, parce que même la chose la plus innocente au monde, comme une photo d’un chat mignon, ouvrira la porte à au minimum une remarque acerbe sortie de nulle part, en public comme en message privé ! Je ne dis pas ça juste comme ça, c’est du vécu.

Réflexion de la moi actuelle : j’ai écrit cet article pour faire un constat général. Certaines personnes ont pu penser en me lisant que je ciblais des personnes partisanes de la pureté militante ou du doxxing, pour ne citer que ces exemples-là. Alors, en toute honnêteté : pas directement. C’est une réflexion beaucoup plus large que je vous offre ici, sur notre manière d’utiliser nos RS. Voilà, il fallait que je le précise.

Ah, et au cas où : je ne suis pas en train de dire « ouin ouin, on ne peut plus rien dire », « Toute façon, c’est la faute des wokes, à bas la cancel culture ». Oui oui, je vous vois venir, hein. Je suis justement une vilaine gauchiasse woke, pour rappel. Si je me mets à ouin ouiner comme dit plus haut, secouez-moi, ou alors, je suis victime d’un kidnapping, haha.

Bref. Ne mélangez pas tout, s’il vous plaît.

Revenons à nos remarques acerbes. Elles peuvent prendre plusieurs formes. Voici celles que j’ai reçues à titre personnel, mais aussi celles de la part de personnes qui ont accepté de me les communiquer. J’ai pris le sujet du chat, pour continuer dans la métaphore :

« Ton choix de post montre que tu as un gros problème » (hein, de quoi ?)

« Tu ne postes que ça, franchement ça saoule un peu. » (ah bon, pourtant je ne fais rien de mal. C’est MON espace, je ne te force pas à regarder hein…)

« Je trouve que les chats sont des animaux détestables et blablablabla… » (et là, la personne part dans un débat complètement What The Fuck alors qu’à la base, le post n’était pas là pour ça.)

« Mignon, mais bon, les fautes d’orthographe, hein… » (s’il y a du texte qui accompagne la photo. Puis, on en reparle du caractère classiste, validiste et méritocrate de cette remarque ?)

« Tu pourrais arrêter ta propagande sur les chats, là ? » (sisi, ce genre de remarque peut survenir… Ne faites pas les gros yeux, enfin !)

« À mort Trump/Macron/votre personnalité Némésis ! » (oui, le bon hors sujet des familles…)

« Ce post n’est pas pertinent du tout. » (peut-être parce qu’à la base j’ai posté ça juste comme ça ?)

Je ne suis pas là pour blâmer les auteurices de ces commentaires. Je tiens seulement à mettre en lumière quelque chose de dérangeant, auxquelles nous sommes tous devenus sujets et objets.

Il faut cependant que je nuance mes propos : je remarque que ce phénomène touche plus mon profil privé que mon profil public (bon, là, je parle plus de facebook, car c’est le seul RS où j’ai deux comptes). Comme si les gens que j’avais choisi d’accepter dans mon cercle intime se révélaient être mes ennemis ou de parfaits inconnus, en fait… Je vous assure, ça fait bizarre ! Une personne avec qui j’ai discuté récemment m’a avoué qu’elle avait vidé son compte il y a peu, car elle ne voulait plus être jugée pour tout et n’importe quoi.

Et vous, et moi, nous trouvons ça normal (Non).

Bref. Finalement, j’en viens à en perdre mon latin. À ne plus savoir quoi poster, ne plus en avoir envie, même des choses qui me font rire, quoi. À me remettre en question en tant qu’être humain alors que je n’ai pas vécu ce que d’autres ont vécu : harcèlement, lynchage à cause de propos malheureux au point que toute la sphère du RS concerné se ligue contre la personne pour la faire se sentir comme une sombre merde…

J’en ai parlé à pas mal de personnes autour de moi, et elles sont elles-mêmes envahies par ce ras-le-bol, ce sentiment que les RS, c’est juste malsain, pervers. L’une d’elles a expliqué sur son compte – je ne précise pas le RS concerné, y a pas besoin de le savoir – qu’elle se retirait de communautés où elle s’était investie parce que ça se tapait dessus à tour de bras et qu’elle ne le supportait plus (normal, non ?). Dire qu’à la base, ça ouvrait le champ à des choses merveilleuses…

Nous sommes coupables. Moi y compris. Chacun à notre tour, nous avons participé à ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur. Les RS ressemblent à une gigantesque Toile où il ne faut surtout pas se construire de cocons, sous peine qu’ils soient détruits. Nous sommes en train d’être broyæs par cette injonction du Surmoi qui nous pousse à ne plus être nous-mêmes.

En pensant être mieux, nous nous surexposons aussi. Nous voulons brandir une image idéalisée de nous-mêmes pour susciter la reconnaissance d’autrui.

Je remarque également que beaucoup aiment se regarder écrire (variante du « aimer s’entendre parler »). Amoureux de leurs petites punchlines, de leurs piques 2.0, iels se glorifient du pouvoir de leurs mots. Sous couvert de la liberté d’expression, de cette franchise tant de fois invoquée, eh bien cela donne… une mixture de haine et de méchanceté ou de bêtise.

Franchise n’est pas synonyme de non-respect d’autrui. La liberté des uns s’arrête là où commencent celles des autres. Je suis d’ailleurs étonnée que, alors que les RS sont devenus le bastion de la Bonne Morale, cet axiome n’y soit pas gravé.

Vous voyez à travers mes mots que je mets à me comporter comme celleux que je dénonce. Que je les imite inconsciemment. La colère, la lassitude, la lucidité me font écrire ainsi. Je ne suis pas amoureuse de mon verbe, absolument pas. C’est même tout le contraire même si je travaille tous les jours, chaque seconde, à cesser de détester ma prose. D’ailleurs, je le redis encore dans Je suis odieuse et j’accuse, comme quoi ça ne date pas d’aujourd’hui.

Pas mal de personnes passent par ce que j’appelle par un « burn-out réso-sociétal ». Il ne faut pas se demander pourquoi. Interrogeons-nous sur notre usage des RS, sur notre façon d’être, notre rapport au monde virtuel – et au monde réel aussi ! Il est grand temps, parce que plus nous continuons dans cette voie, plus nous incarnons les misérables caricatures de Singes (*) qui croient découvrir le feu et qui finiront par se brûler à force de jouer avec.

(*) Les biologistes, laissez-moi avec mes approximations spécifiquement pour cet article, MERCI. Je connais mes bases en biologie et génétique, je sais très bien que l’affirmation comme quoi nous descendons du singe est imprécise et incorrecte, et cetera. Non je suis calme, très calme. Vous voyez, je me corrige avant que quelqu’un vienne le faire. Et en fait, ça ne fonctionne pas parce qu’il y en a toujours unæ qui ne peut pas s’empêcher d’ouvrir sa gueule, voilà ! Pardon. Mea culpa pour avoir moi-même versé dans cet art par le passé…

Cet article a 2 commentaires

  1. Hub l’ apéricube

    Bravo ou chapeau bas!

    L’homme invisible

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